Chronique

Nicolas Folmer & Daniel Humair Project

Lights

Nicolas Folmer (tp), Alfio Origlio (p), Laurent Vernerey (cb), Daniel Humair (dms)

Label / Distribution : Cristal Records

Il y a quelque temps encore, l’association Daniel Humair / Nicolas Folmer avait de quoi surprendre. Si le trompettiste conserve un goût prononcé pour les contextes bien définis (ce qui n’enlève rien au charme de ses disques - depuis Fluide et I comme Icare, très remarqués, jusqu’aux répertoires plus audacieux du Paris Jazz Big Band, qu’il co-dirige avec Pierre Bertrand, en passant par les flirts électro du NoJazz Quartet), le batteur manifeste depuis quelques années (une cinquantaine, guère plus) un appétit féroce pour les formes peu ou pas exploitées, les rencontres risquées et les vapeurs grisantes de la composition instantanée.

Sur le papier, la rencontre était donc inattendue. Mais à y regarder de plus près, Folmer, bien que gardien d’un certain héritage, ne s’est jamais enfermé dans ce rôle ; et l’on sait à quel point Humair joue comme il respire, avec sa gouaille d’éternel gamin qui se découvre un don lorsqu’il s’agit d’endosser son costume de pirate explorateur, mais aussi avec sérieux et générosité lorsqu’il abreuve de ses torrents percussifs, de son swing puissant et de ses exhortations rythmiques des groupes qui placent la danse et la mélodie au centre de leurs préoccupations. Ce projet commun est né d’une envie de longue date chez Folmer : inviter dans un de ses groupes celui qui fut pour lui un enseignant éclairant (lors d’une master class au Conservatoire de Paris) ainsi qu’une référence en matière d’inspiration et d’intégrité musicales.

Les dates se multiplient, toujours avec la même formation - tant mieux : il semble donc que cette rencontre organisée soit en passe de devenir un rendez-vous régulier, un quartet solide au sein duquel chacun a trouvé ses marques, apportant ses idées et envies propres sur le terrain de cette musique mélodique et rythmée. Lights, disque équilibré et d’une grande musicalité, en atteste. Au fil de ses huit morceaux, on prend la mesure d’une complicité née sur scène et que le passage en studio n’aura pas estompée. Le jeu des quatre musiciens, s’il reste dans le cadre d’un rôle défini, se caractérisé par sa souplesse, et si l’improvisation ne prend pas la forme d’un vaste espace inconnu, on la voit poindre quasi continuellement dans la multiplicité des propositions et la fusion des styles et intentions individuels dans le respect de la direction commune suggérée.

Ainsi des interventions toujours justes d’Alfio Origlio ; hormis quelques chorus aussi concis qu’intéressants (« Rivière calme », « Claire et sombre »), son travail consiste principalement à sculpter la topographie des titres par le biais d’accords chamarrés, su les lignes robustes et élastiques de l’excellent Laurent Vernerey. Parce qu’elle représente, en quelque sorte, sa langue maternelle, Daniel Humair s’empare de cette musique avec gourmandise, y développe simultanément un drive dont on connaît les qualités et une dimension narrative, sur les fûts comme sur les cymbales. Son aptitude à pousser le groupe, à faire naître tensions ou relâchements, profite au trompettiste, principal soliste du disque, qui capitalise avec goût l’énergie du trio (principalement sur les tempos médiums), soigne l’articulation de ses interventions et façonne sur la durée un discours captivant.

L’élève et le maître, réunis en bonne compagnie autours de morceaux maison (des compositions plus ou moins récentes de l’un et de l’autre, à l’exception de « Rivière calme », signée par le pianiste), ont trouvé, dans la simplicité brillante et l’honnêteté manifeste de cette entreprise, une belle manière de confronter leurs univers, finalement pas si éloignés. De nombreux concerts sont déjà prévus : rendez-vous sur le site de Nicolas Folmer pour en connaître les dates, et les marquer d’une croix dans vos calendriers.