Chronique

Olivier Laisney & Slugged

Silent Forms

Olivier Laisney (tp), Adrien Sanchez (ts), Stephan Caracci (vib), Joachim Govin (b), Thibault Perriard (dms)

Label / Distribution : Onze heures onze

Membre de la bande parisienne Onze Heures Onze, Olivier Laisney s’est illustré depuis plusieurs années avec Oxyd, dont un des albums a donné son nom au collectif. Il y retrouvait notamment le batteur Thibault Perriard, qui est l’homme de base de Slugged, nouveau quintet augmenté d’invités dont le trompettiste assume l’entière direction. Le jeu de Laisney est pugnace et agile, omniprésent sans être particulièrement mis en avant. Sur « Polyptique », il dompte en parfaite symbiose avec le saxophone ténor d’Adrien Sanchez une masse de mouvements contraires. Ces remous se canalisent peu à peu dans la guitare de Nelson Veras, invité sur trois brillants morceaux. Il faut dire que Slugged frappe fort. Avec insistance et frénésie, tout du moins.

Aux côtés de Perriard, dont le groove cabossé fait merveille dès l’ouverture d’« Intropolation », on retrouve la contrebasse de Joachim Govin, sèche et boisée qui tranche avec le son cristallin du vibraphone de Stephan Caracci, aperçu dans Radiation 10 ou Lightblazer. Tous trois forment le cœur de la machine Slugged, sur lesquels les autres viennent s’ajouter à ce qui ressemble à un vortex en formation. De sa récente collaboration avec Stéphane Payen dans son Workshop, Laisney a conservé le lexique colemanien tendance Steve. Il fonctionne à bas bruit dans « Bunraku » qui tire son nom d’une forme de théâtre japonais où tensions et gestes calculés s’expriment à travers l’échange entre Caracci et Pierrard. Mais il explose littéralement dans « In & Out 2 », titre justement signé Payen, le seul qui ne soit pas écrit par le trompettiste.

Ainsi, Silent Forms tiendrait de l’oxymore ? Pas forcément. Comme dans tout tourbillon, le centre est stable mais ne demande qu’à tanguer au gré des déplacements. C’est à cet endroit de tous les dangers, mais en même temps le plus contemplatif, que Laisney se place et invite l’auditeur pour mieux apprécier les superpositions versatiles du quintet. C’est lorsque Edash Quata apparaît dans « Unslugged » que la complexité remarquable des polyrythmies est la plus dense, frôlant presque les limites. Le rappeur centrafricain découvert avec Lightblazer déstabilise l’ensemble de son flow traînant qui oblige le quintet à une reconstruction permanente. L’instabilité est le domaine de Slugged ; c’est son charme également.