Paris Jazz Big Band
Big Live
A l’écoute de ce triple CD, véritable défi en période de crise du disque et ses quelque trois heures où les musiciens semblent s’épanouir naturellement, le sourire aux lèvres, on pourrait penser que cette santé éclatante, crânement affichée, n’est pas de nature à creuser les sillons de la passion et à nous emporter avec elle. Bien au contraire, le Paris Jazz Big Band nous détrompe sans ambiguïté : tel un fruit mûr et juteux, son Big Live paru chez Cristal [1] est une profonde respiration qui revisite une bonne partie du répertoire de l’orchestre. Il va aussi voir ailleurs en proposant un hommage à Bernard Maury, grand compositeur pour big band disparu en août 2005, et en interprétant des compositions inédites signées Ivan Jullien, Laurent Cugny et François Théberge.
La vie d’un big band n’est pas forcément simple à organiser ; c’est une machinerie complexe qui bute souvent sur des réalités économiques hostiles. Beaucoup survivent, d’autres cessent d’exister un peu trop vite au goût de leur créateur. Mais sous la houlette de ses deux co-directeurs artistiques – le saxophoniste Pierre Bertrand et le trompettiste Nicolas Folmer – le Paris Jazz Big Band a su réunir assez de talents et récolter assez de récompenses [2] pour s’affirmer comme un creuset, un rendez-vous énergique et privilégié où la fine fleur du jazz hexagonal vient se retrouver.
Car c’est bien l’énergie le maître mot de cette musique, dont la qualité première est d’être savante en restant accessible. Trois disques, un DVD [3] et une flopée de concerts plus tard, cette reconnaissance a donné des ailes à l’orchestre, dont les fondateurs ont eu en 2007 l’idée d’un projet peu banal. Le « PJBB » choisit en effet de s’installer au Trabendo pour cinq concerts, à raison d’un jeudi par mois, de janvier à mai [4]. C’est l’ensemble de cet événement qui est restitué de façon chronologique dans ce triple disque gonflé à bloc, qui fait la part belle aux arrangements millimétrés, goûteux à souhait, sur lesquels les solistes s’en donnent à cœur joie. Il faudrait, pour être juste, les citer tous… Disons qu’on est vite chaviré par les interventions de Stéphane Guillaume ou Sylvain Beuf au saxophone, de Stéphane Chausse à la clarinette ou de Fabien Mary à la trompette (ce ne sont là que quelques-uns des « permanents » de l’orchestre). Cerises sur le gâteau, ces soirées chaleureuses ont été l’occasion d’inviter quelques amis prestigieux : Louis Winsberg à la guitare, Pierre de Bethmann au piano, Minino Garay aux percussions, sans oublier le « parrain » du Big Band, l’incontournable Dédé Cecarelli à la batterie…
Big Live est un disque de fête qui ne soulève pas d’interrogation : il embarque l’auditeur dans une longue et belle balade, d’où il reviendra requinqué comme après une cure au grand air. Rien que pour cela, il devrait être préconisé comme remède anti-déprime - et on sait à quel point le besoin s’en fait quotidiennement sentir…