Jacky Molard / François Corneloup Quartet
Entre les terres
Jacky Molard (vln), François Corneloup (bs), Catherine Delaunay (cla), Vincent Courtois (cello).
Label / Distribution : Emouvance
Ils sont quatre, vecteurs d’une musique qui parlera à chacun d’entre nous. Ne cédant en rien aux facilités d’une technologie maquillage, ils lui préfèrent la chaleur d’une union humaniste et acoustique entre cordes et anches. C’est un quatuor de l’intime qu’on découvre ici, emmené par les deux compositeurs du répertoire, Jacky Molard (violon), François Corneloup (saxophone baryton), associés aux voyageurs aguerris que sont Catherine Delaunay (clarinette) et Vincent Courtois (violoncelle). Ensemble, ils touchent du doigt le sensible, parlant un langage dont la justesse est l’expression d’une vibration commune, celle qui provient du cœur et de l’âme dans un même élan. Durant plus d’une heure, leurs instruments – plus que jamais extensions de leurs propres voix – ne cesseront d’entrecroiser leurs chants et leurs battements, inversant les rôles avec jubilation, pour prendre à tour de rôle, au gré des itinéraires empruntés, leur part rythmique et mélodique. Leur musique harmonieuse est assurément le fruit d’un (mé)tissage.
Au passage, peut-on dire sans prendre le risque d’un contresens qu’on a d’abord une pensée pour Louis Sclavis en découvrant cet univers poétique ? Peut-être en raison du titre, Entre les terres, qui évoquera l’un des projets du clarinettiste, Loin dans les terres. Peut-être aussi que la présence de Vincent Courtois, partenaire du Lyonnais au temps de Napoli’s Walls, et celle d’une clarinette enchanteuse, favorisent le rapprochement entre ces deux univers d’une égale beauté. Mais surtout, sans doute, parce qu’il est question ici et là d’une création rythmée par un mouvement des corps mus dans un désir profond d’élévation.
À l’évidence, Entre les terres est une invitation au voyage – un voyage aux dimensions multiples vers ces musiques qu’on dit « du monde » – entre danses aux consonances celtiques [1] et compositions aux accents plus méditatifs (« Redite »). C’est un « plinn » ou cette gigue qui vous chavirent avant qu’une échappée vagabonde, presque inattendue, ne vous entraîne sur un chemin de traverse ou qu’un mystère de brumes ne vous enveloppe et vous incite à fermer les yeux, loin des fureurs de notre monde déconnecté, dans une quête de ses beautés si négligées. Une composition telle que « Red Jig » illustre pleinement cette aptitude aux variations de couleurs et de rythmes au cours d’une même histoire. Ici, Entre les terres, existe bien cet ailleurs pas totalement défriché, où la solitude et la contemplation des espaces tourmentés ne sont pas punition, mais bien au contraire la source d’un émerveillement de nature cérébrale et charnelle à la fois. Celui des « nomades intimes » que sont les explorateurs de ce quartet d’une réelle noblesse de cœur, tout autant que le nôtre.