Chronique

Philippe Laccarrière

Backhand Project

Philippe Laccarrière (b), Fady Farah (p), Sébastien Texier (as, cl), Guillaume Domartin (dm), Hubert Colau (voc, perc)

Label / Distribution : Au Sud du Nord

Évidemment, le contraste avec le précédent opus en solo de Philippe Laccarrière ne peut que titiller l’audition. Alors qu’il y a deux ans il nous proposait une histoire de la contrebasse et de la basse électrique avec son seul stick, voilà qu’il s’autorise à développer un propos orchestral pour un quartet qui, parfois, se fait quintet avec l’adjonction d’un chant et de percussions.
Mais, plutôt que de donner des réponses définitives, il se plaît à poser des questions. Déjà, parce que l’instrument qu’il a choisi émet des vibrations électriques peu courantes dans un répertoire somme toute plutôt classe et classique. L’étrange saturation issue de son stick contrebasse crée une sorte de tension cool, ressuscitant cette fascination pour la fée électricité que l’humanité pouvait avoir lors de la découverte de ce phénomène physique. Une poétique de la curiosité donc, qui donne des frissons.

Laccarrière, occitan exilé en région parisienne, fondateur du festival et label Au Sud du Nord et compagnon de route d’Uzeste Musical notamment, a su convaincre des musiciens hors pair de partager ses questionnements artistiques. Ainsi de la présence de Sébastien Texier au saxophone et à la clarinette : le fils d’Henri, son collègue en quatre-cordes, swingue à qui mieux mieux avec son bâton de réglisse, et n’oublie pas de prendre des accents gospel au sax. Appétences pour le blues et le swing, tendres ballades… les compositions fleurent bon la tradition du bop, avec ce je-ne-sais-quoi d’étrange énergie issue de l’instrument atypique du leader. La route que Laccarrière emprunte pourrait être perçue comme un ver dans le fruit du jazz, provoquer le hurlement de dépit de quelque puriste, mais il a choisi de prendre son pied avec une contrebasse électrique. C’est son choix. Il est plus que respectable.