Chronique

Christophe Marguet, Sébastien Texier

We Celebrate Freedom Fighters

Christophe Marguet (dm), Sébastien Texier (as, cl), François Thuillier (tuba), Manu Codjia (g)

Label / Distribution : Cristal Records

En ces temps confus où la notion de liberté s’étiole, voici une proposition discographique et livresque bienvenue. Le livre, intitulé « Je suis sur des braises en attendant ton retour », est joliment maquetté dans une esthétique « naïve » et les poèmes sont touchants et convaincants. Le disque, lui, est le deuxième opus du quartet après « For Travellers Only » (2018). Les compositions du saxophoniste-clarinettiste et du batteur visent un son partagé, un creuset dans lequel les identités des solistes sont autant de manifestes libertaires au service de l’esprit des personnalités invoquées.

Ainsi de ce « Tatanka Iyotake » dédié à la mémoire de Sitting Bull, thème d’une mélancolie poignante et pourtant dansant à souhait. Les morceaux sont bâtis sur des séquences alternées, comme autant de courts-métrages donnant à entrevoir la flamme émancipatrice des combattant.e.s de la liberté. Ainsi du très funky « Another Country » dédié à James Baldwin : le groupe a bien l’intention d’honorer sa prédiction, « la prochaine fois, le feu », en déployant un groove fin et puissant. Ou encore de cette ballade funéraire pour l’inconnu de Tian’anmen rappelant que le jazz, depuis ses origines, peut aussi être une célébration de l’esprit des défunts. Faut-il voir là l’influence du tuba dans la formation ? Après tout, l’usage rare d’un tel instrument hors des marching-bands ou du jazz trad’ donne une saveur inédite, archaïque mais aussi élégante. Assumant la fonction de bassiste, François Thuillier va jusqu’à déployer un son saturé que n’aurait pas dédaigné un Jaco Pastorius, nonobstant ces glissandos avec juste ce qu’il faut de « gras », dans l’accompagnement aussi bien que dans les solos.

Les propositions sensibles du guitariste, Manu Codjia, avec ces dissonances toujours aussi bien amenées à partir de riffs somptueux, colorent les plages du disque de nuances jazz-rock sans jamais tomber dans un discours virtuose. Au saxophone comme à la clarinette, Sébastien Texier fait danser ses notes avec un évident souci du collectif. Quant à la batterie de Christophe Marguet, elle s’immisce plus qu’elle ne s’impose comme la cheffe d’orchestre qui incite à l’émancipation, ce qui est paradoxal tant cette musique semble écrite. Le jeu sur les cymbales, notamment, est diablement mobilisateur et déploie des arcs-en-ciel de liberté. Comme un appel à continuer les combats menés par les Rosa Parks, Aimé Césaire, Olympe de Gouges et autres Simone Weil…