Portrait

Randy Weston, l’Anvers du décor

Pour un dessinateur, Randy Weston était un vrai cadeau.


Randy Weston par Pieter Fannes

En général, les pianos sont durs à dessiner : tellement grands qu’ils semblent pousser le pianiste dans la marge. Pas avec Randy Weston. Avec sa grande taille, il dominait le piano comme un dompteur de lions.

Presque sans bouger, tout droit derrière le clavier, il faisait sauter les notes à sa guise. Ses vêtement étaient superbes et ses concerts débordaient d’énergie. En fait, sa musique restait toujours très jeune, même lors du dernier concert que j’ai vu de lui, âgé de 91 ans.

J’ai dessiné Randy plusieurs fois ces dix dernières années, surtout au festival Jazz Middelheim d’Anvers. En revoyant ces dessins, il est clair que j’avais des points de vue préférés :

de profil, sous un aspect presque royal, telle une statue égyptienne...

Gent Jazz 2009
Jazz Middelheim 2013
Jazz Middelheim 2017

ou de dos, ce qui mettait en valeur son énorme dos, impassible, en relation avec ses longues jambes qui, elles, n’arrêtaient pas de danser avec le rythme.

Jazz Middelheim 2011 (avec Alex Blake)
Jazz Middelheim 2013 (avec Alex Blake, Talib Kibwe)
Jazz Middelheim 2017

Finalement, ce qui me frappe le plus c’est cette incroyable joie de vivre qui était au cœur de chaque concert de Randy Weston et ses African Rhythms, et qui me donnait toujours une envie folle de laisser divaguer le pinceau le plus librement possible sur mon papier.

Jazz Middelheim 2013 (Talib Kibwe, Robert Trowers, Bill Saxton, Lewis Nash)
Jazz Middelheim 2013 (Alex Blake)
Jazz Middelheim 2013 (Lewis Nash, Neil Clarke)
Jazz Middelheim 2017 (Alex Blake)

Lors de son dernier concert à Jazz Middelheim en 2017, j’ai essayé d’attraper deux moments mémorables. Dans le premier dessin, Weston, en annonçant le prochain morceau, se lance dans un récit magique qui mélange des souvenirs des années 50, des événements d’hier, de l’histoire ancienne de l’Afrique, le tout dans un mix qui faisait disparaître les limites du temps (et, avouons-le, de la cohérence aussi).

Dans le deuxième dessin, Weston se repose, momentanément, en écoutant une des strum solos de son bassiste préféré Alex Blake. Pour un moment seulement, on sentait le poids des années - dès qu’il se remettait à jouer, il redevenait à nouveau enfant.