Chronique

Raymond Boni

L’oiseau, l’arbre, le béton

Raymond Boni (g)

Label / Distribution : Futura

Typiquement le genre de disque que l’on entendra selon son humeur (et/ou son goût) comme un manifeste de poésie brute ou d’ennui total.

Quoi qu’il en soit, il s’agit du disque « culte » fraîchement réédité par le label Futura de l’apparition de Raymond Boni dans le champ des musiques improvisées. Il fut enregistré en solo, de nuit et clandestinement dans le studio de l’Unesco, le 29 mars 1971.
A l’époque Boni et d’autres - dont l’Anglais Derek Bailey font la nique aux sirènes hendrixiennes et proposent un mode de jeu nouveau. Celui ci doit d’avantage aux recherches formelles des musiques contemporaines et concrètes, dans un cadre qui poursuit historiquement et idéologiquement le Free…sans plus grand chose du Jazz.
Qu’on ne s’y trompe pas, il y a bien deux mélodies, qui ouvrent les premiers et troisièmes morceaux, mais elles sont plus respiration ou prétexte et ne sont que très rarement exploitées.

Ainsi le Béton (le deuxième morceau, le plus ardu) nous plonge dans un monde urbain en évoquant sa violence, son bruit et son chaos. L’Arbre symbolise la nature, un certain ordre et fait le lien avec l’Oiseau, fragile et aérien, et qu’on peut voir comme le symbole de l’esprit libéré. C’est un peu baba, mais la comparaison s’arrête bien là.
Car l’écoute de ce disque n’est pas reposante, puisqu’elle bouscule (encore) les conforts et les codes d’écoute.
Le guitariste opte pour un jeu peu orthodoxe sur les cordes et une esthétique proche du cri à grand coup de brisure des lignes, glissandos, violents accélérandos, nuages de notes, heurts, hasards, exagération des effets, hypertrophie et qui ressemblent par moment à une course folle et inquiétante.
La virtuosité de Boni était déjà extraordinaire à l’époque et c’est elle qui fait le lien entre les différents moments (que dire d’autre) du disque. Elle lui permet aussi un certain humour et des clins d’œil à l’histoire du jazz (climats cool, pompes parodiques).

Cette musique paraît tout aussi fraîche et difficile qu’à son époque, et il ne tient qu’aux téméraires à « aller vers la tendresse et la beauté [1] »