Sakina Abdou & Raymond Boni
Sources
Sakina Abdou (ts, fl), Raymond Boni (g)
Label / Distribution : Circum Disc
La rencontre entre la saxophoniste Sakina Abdou et le guitariste Raymond Boni dépasse le cadre du duo rassemblant des improvisateurs accomplis. Certes, « Miroir d’eau », qui ouvre cet album paru chez Circum Disc, est de ces instants rares et fragiles où deux styles se croisent : les notes cristallines, reconnaissables entre toutes de la guitare de Boni et le son plein, puissant et très clair que Sakina Abdou avait déjà montré dans nombre de ses orchestres, depuis Vazytouille jusqu’au Red Desert Orchestra de Risser, en passant par un remarquable quartet. Le dialogue entre Boni et Abdou, on le retrouve partout alentour dans le joli continuum de l’album et ses mouvements courts, toujours sur un thème aqueux : une matière insaisissable, en mouvement, puissante et malléable, dépourvue de mémoire mais s’immisçant partout. Davantage qu’une métaphore, se dit-on, lorsque on écoute la flûte striée de cordes de « Ascendance de l’air » qui fait songer à un lent amerrissage, le jeu de Raymond Boni venant ramener Abdou aux réalités de l’attraction.
Il y a beaucoup de poésie dans ce disque assez court où Sakina Abdou joue de toute la palette de ses émotions. Dans « Miroir aux Alouettes », la flûte cherche, fouaille l’espace à la recherche de son vis-à-vis qui s’est retranché dans la raucité des cordes effleurées, tapi dans une ombre dont il décide de ne jamais jaillir, explorant une forme d’immobilisme qui perdure dans « Souvenir non identifié » qui tutoie le silence. On sait Boni capable d’évoquer le trouble et la dualité dans un jeu en économie de mouvement, ce morceau en est un exemple parfait, à la limite de la rupture. Un fil ténu mais brillant qui maintient un équilibre toujours précaire.
Voici ce qu’est Sources, ce bel album de deux musiciens épris de liberté qui livrent dans « Guérison inattendue » leur plus bel échange, toujours sur la crête mais avec avec soudain, alors que Sakina Abdou revient au saxophone, davantage de certitudes : un fil qui serpente comme un fleuve que l’on suivrait pour ne pas se perdre en chemin ; un fil qui dessine des formes, ravive les souvenirs et dresse des portraits, notamment ceux de musiciens libres qui ont fait de l’empathie un outil de création qui érode le silence pour la changer en une poésie fragile. Enregistré en 2020, ce disque consacre le talent de la multianchiste nordiste et ses choix artistiques.