Chronique

Raynald Colom

Rise

Raynald Colom (tp), Jure Pukl (ts), Aruan Ortiz (p), Rashaan Carter (b), Rudy Royston (dms)

Label / Distribution : Jazz Village

C’est à la tête d’un quintet des plus efficaces que nous revient le trompettiste franco-catalan Raynald Colom. En s’entourant du saxophoniste slovène Jure Pukl, du pianiste cubain Aruan Ortiz et de la rythmique américaine Rashaan Carter/Rudy Royston, il forme ici un groupe solide qui lui permet d’insuffler une belle énergie à sa musique.
Autour de belles compositions organisées en une longue suite, les musiciens développent de longs chorus qui, au-delà de leur indéniable intérêt formel, drainent un jeu collectif mouvant, en perpétuelle construction, l’énergie collective apportant, outre une fraîcheur sans cesse renouvelée, une dramaturgie maîtrisée du propos.
S’ils n’endossent que ponctuellement leurs habits de solistes (on notera tout de même la très belle introduction de Rashaan Carter seul sur « El’Baka »), le contrebassiste et le batteur participent à chaque instant à la narration avec une empathie qui n’est pas étrangère à la robustesse du son. Leur façon de temporiser ou dynamiser la pulsation, les enchaînements d’accords du pianiste et la répartition du temps d’expression entre soufflants situent la formation dans la lignée du second quintet de Miles Davis, d’autant que Pukl, excellent de bout en bout, montre des affinités certaines avec le jeu de Wayne Shorter, en gardant toutefois une signature personnelle.

Loin d’être une succession de morceaux aux ambiances similaires, Rise est enrichi par la présence d’invités, et l’équilibre trouvé entre les phases de jeu du quintet et sa position de groupe-hôte est une de ses qualités. A deux reprises, Core Rythm, un emcee qui fait beaucoup parler de lui dans le milieu du hip-hop underground, pose son spoken word sur la musique de Colom ; on pense, modernité en plus, aux narrations de Jon Hendricks chez George Russell (New York, N.Y., 1959) ou de Jean Shepherd chez Charles Mingus (The Clown, 1957). Les musiciens recentrant leur jeu durant ces passages, sa présence aère la musique et donne une orientation complémentaire aux instrumentaux.
Le temps d’une reprise sobre et réussie d’« Avec le temps » (Léo Ferré), le groupe accueille Sofia Rei, chanteuse originaire de Buenos Aires mais basée à New York (et membre du groupe Mycale, interprète du 13e volume du Book Of Angels de John Zorn). Sa sensibilité y trouve une résonance dans le magnifique chorus de Colom, tout en lyrisme contenu. Enfin, trois titres bénéficient d’une palette de timbres élargie grâce à l’intelligente adjonction de Roger Blavia (percussions), Philippe Colom (clarinette basse) et de l’Eclectic Colour Orchestra. Soit deux interludes très cinématiques et un titre de clôture en forme de scène finale. Le quintet y mêle son jazz vivant au flow calme de Core Rythm et aux nappes de cordes. Tout cela fonctionne très bien, mais ce sont surtout les moments d’interactivité qui retiennent l’attention. Le trompettiste et ses comparses y démontrent une maîtrise technique et une musicalité remarquables, dans l’épure (jolie version trompette/piano de « In A Mist ») comme dans la densité.