Scènes

Jazz Juniors, Kraków’s vibes

Un concours et un festival, en quatre jours, à Cracovie.


Maciej Kitajewski Trio & Jure Pukl © Michał Łepecki

Fondé en 1976, le festival et tremplin national polonais Jazz Juniors s’est déroulé cette année au sein du complexe Cricoteka / Mile Stone Jazz Club pour la partie publique.
La partie compétition s’est, quant à elle, tenue au NCK le 6 octobre, en présence du jury et des musicien.ne.s ; les résultats ont été annoncés dans la foulée.

Le jury, composé de Adam Pierończyk (par ailleurs directeur artistique de Jazz Juniors), Jean-Paul Bourelly et Majid Bekkas, a récompensé par le Grand Prix Jazz Juniors 2021 le Nagy Emma Quintet (Hongrie), et par le second prix exæquo les groupes Superminimalism (Pologne) et le sextet Federico Calcagno & The Dolphians (Italie). Le troisième prix est allé au groupe Unleashed Cooperation (Pologne).

Peter Evans © Michał Łepecki

Le festival, lui, s’est déroulé du 7 au 9 octobre, avec le même rituel : un double concert dans la petite salle du centre culturel/musée Cricoteka, un bâtiment étonnant entièrement dédié à l’artiste Tadeusz Kantor, dont l’architecture en elle-même vaut le détour. Puis une session de show-cases de groupes polonais au sous-sol de l’hôtel Qobus, dans le club de jazz Mile Stone, une salle tout à fait conforme à ce qu’on attend d’un club de jazz.
L’hôtel, le club et Cricoteka sont, pour ainsi dire, emboîtés, il est très facile de passer de l’un à l’autre. Jazz Juniors se déroule donc au bord de la Vistule, à un jet de pierre de l’usine d’Oskar Schindler et, de l’autre côté, du quartier juif historique Kazimierz, maintenant un espace gentrifié sympathique qui rappelle Berlin.
Mon arrivée tardive ne m’a pas permis d’assister aux concerts des membres du jury, ni à celui du groupe de Nils Wogram. En revanche, j’ai attrapé au vol quelques notes du dernier groupe des show-cases, celui de la jeune saxophoniste Marta Wajdzik. Une musique écrite et arrangée de manière assez classique et un peu trop sage, dont on sent qu’un peu de laisser-aller lui ferait le plus grand bien. Mais Marta Wadjdzik a encore le temps pour apprendre à se défaire de son apprentissage et à casser le carcan. A la batterie, Dawid Fortuna assure un soutien qu’il prodiguera également à deux autres groupes le lendemain.
Le jour 3 commence avec un solo du trompettiste Peter Evans. Tout en respiration circulaire (poussé à l’extrême, on a l’impression qu’il va expirer), il utilise une approche répétitive et cyclique qui, à force, devient lassante. On sent la grande maîtrise technique, aussi bien à la trompette qu’à la trompette de poche, avec ou sans embouchure, avec ou sans piston. Les idées sont bonnes, mais tout traîne en longueur, c’est dommage. Le même concert, long de moitié, aurait été fantastique. Après l’entracte, il revient, invité par un ensemble de musiciens polonais : Wojciech Lichtański, Kajetan Borowski, Piotr Narajowski et Piotr Budniak. Sans remettre en question l’ordre établi, ça balance pas mal, la pulsation est bonne et le concert fait plaisir.

Le Mile Stone de Cracovie © Michał Łepecki

On se retrouve alors au Mile Stone pour la deuxième série de show-cases. C’est le trio du vibraphoniste Marcin Pater qui ouvre les hostilités avec une musique très efficace et plaisante composée par le leader qui, pour le coup, se laisse aller à de très belles interventions. Un nom à retenir.
Ce trio, avec Mateusz Szewczyk à la contrebasse et Adam Wajdzik à la batterie, est rodé et a sorti un disque : Nothing But Trouble (EMME).

Puis, l’excellent violoniste Stanisław Słowiński vient dialoguer avec son pianiste Franciszek Raczkowski au sein de son quintet : c’est beau. Le set se termine avec l’anecdotique assemblage de synthés et d’explorations sonores du quartet Seti Setters.
Le festival se termine par le double concert réunissant le Maciej Kitajewski Trio feat. Jure Pukl et un solo de Seamus Blake. Le premier groupe est mené par le bassiste, avec une écriture fine et mélodique qui convient au saxophone du Slovène Jure Pukl. Puis les derniers show-cases permettent encore d’entendre quelques belles musiques, comme celle du Ziółek Kwartet, une rythmique avec trompette. Le pianiste est le leader et son trio piano-basse-batterie fonctionne à merveille, avec inventivité. Dommage que le trompettiste s’en mêle.

Court mais dense (5 concerts par soirée), le festival Jazz Juniors est une belle vitrine du jazz polonais à Cracovie et s’ajoute à la liste des lieux où se joue le jazz dans ce pays à la culture si riche, dont le jazz fait partie depuis longtemps déjà. La programmation du festival fait la part belle aux saxophonistes et à un jazz assez consensuel mais diversifié.