Chronique

Rema Hasumi

Billows of Blue

Rema Hasumi (p, voc), Masa Kamaguchi (b), Randy Peterson (dms)

Label / Distribution : Ruweh Records

Pianiste et chanteuse nipponne installée sur la côte est des États-Unis depuis près de dix ans, Rema Hasumi s’est bien vite intégrée à la frange très avant-gardiste de la scène de Brooklyn, sans abandonner ses racines ni la culture japonaise qui irrigue sa musique. C’est ainsi qu’en 2015, elle a enregistré Utazata pour Ruweh Records, premier disque où des chansons ancestrales de l’archipel étaient chamboulées en douceur par des musiciens comme le batteur Todd Neufeld, très attentif à la carrière de la jeune femme. Avec Billows of Blue, son second album auprès du même label, Hasumi s’aventure davantage dans les entrailles de son propre imaginaire et dans les codes moins rigides de la musique improvisée. S’il est une tradition qui est évoquée ici, c’est celle du jazz, dans son acception la plus étendue. Sur la forme, pour commencer, avec ce trio piano/basse/batterie forcément classique ou le contrebassiste Masa Kamaguchi offre une alliance sensible avec le batteur Randy Peterson, illustre membre du Mat Maneri quintet (« Vapors of Voices »).

Sur la couleur ensuite, avec ce camaïeu qui se dessine sous les doigts agiles de la pianiste. Ce bleu malléable et profond comme l’océan peut rouler au gré de l’insistance d’une main droite volontaire, à l’image de « Nocturnal » où la contrebasse de son compatriote, qu’on a pu entendre avec Tony Malaby, sait se faire plus légère et profonde. Évanescente mais toute en tension. Cependant le bleu peut également se révéler aussi nuancé qu’une aquarelle, notamment lorsque la voix flotte tout doucement sur le maillage rythmique serré de « Billows of Blue ».

Ce disque permet de confirmer que nous avons ici affaire à une personnalité forte. Rema Hasumi n’a pas besoin d’une débauche de gestes et de notes pour s’affirmer son univers. Elle sait laisser beaucoup de place à ses aînés. Ceux-ci savent entretenir la flamme de la pianiste et se fondre dans sa musique et honorent l’indiscutable pointe de ce triangle (« Still Or Again »). Mais lorsque le propos se fait plus collectif, àcomme dans « In The Mists of March », toujours teinté de bleu, on touche au point le plus intime de ce disque très poétique qui se nourrit d’une certaine grâce à la Jeanne Lee. Rema Hasumi n’a pas fini de nous surprendre.