Chronique

Sylvain Cathala Septet

Cullinan

Label / Distribution : Connexe Records

Une fois de dos, l’autre de face. Sylvain Cathala propose avec son septet deux postures, et avec celles-ci autant de regards. Hope, son précédent album avec cet orchestre résolument électrique (Benjamin Moussay au Rhodes, Marc Ducret à la guitare), s’appuyait sur un trio étendu dont il avait fait son étendard, avec Sarah Murcia à la contrebasse et Christophe Lavergne à la batterie. La nuque vers l’auditeur et l’œil vers l’infini, le saxophoniste semblait sonder les ténèbres, où plutôt les anfractuosités de lumière dont il a toujours éclairé sa musique, aussi solide et rigoureuse qu’elle sait être acrobatique. A l’écoute de « Phases of Gravity 2 », on pense à une symétrie avec le premier album : Bo de Werf attaque au saxophone baryton une droite solide tenue par Murcia et Moussay. Ce n’est pas une ligne de crête, c’est une veine des profondeurs que vient perforer l’alto de Guillaume Orti, complice de circonstance de Ducret.
 
Et si Cathala ne nous tourne plus le dos, cela signifierait-il qu’il se dirige désormais vers la lumière ? « Entremêlée 2 » pourrait nous le laisser croire. L’ouverture très dure de Lavergne, dans une rythmique de guingois, est du genre à raviver les flammes, surtout si la mèche rapide de la guitare suit de près l’étincelle. Avec Cullinan, Sylvain Cathala ne cherche pas le clair-obscur mais ne va pas non plus vers le clinquant : même si la rythmique a davantage de liberté qu’à l’accoutumée, c’est bien à une démarche collective qu’on assiste ici. Tout ce qui brille n’est pas or ; il arrive que ce soit de la pierrerie. Une matière brute qui naît à force de polissage et de chaleur extrême. De dilution et de réactions en chaîne. C’est exactement ce qui se passe ici lorsque les cordes s’exacerbent et que les soufflants se galvanisent. Tout est affaire d’énergie, et elle est la matrice du mouvement, la matière première historique de la musique de Cathala, qui revient finalement à la poésie lumineuse de Moonless.

Enregistré au Triton en juin 2016, le même jour que Hope, Cullinan est son miroir ; il faut écouter les deux disques à la suite. Les intercaler pour constater à quel point ils se répondent, lequel porte l’ombre de sa propre clarté. Trois des titres de ce présent album sont affublés de noms de diamants célèbres, de précieuses lumières nées des profondeurs de la terre, à commencer par le titre [1]. Un morceau tel « Nassak », où la guitare se hérisse comme une multitude de faisceaux, exprime bien cette volonté d’aller chercher au plus profond du rythme quelque chose de rare et précieux au cœur d’un carbone brut et ancien. Sylvain Cathala continue à irradier sans jamais se consumer ou partir en cendres. Un disque chaleureux, comme il se doit.

par Franpi Barriaux // Publié le 29 septembre 2019
P.-S. :

Sylvain Cathala (ts), Marc Ducret (g), Benjamin Moussay (rhodes), Guillaume Orti (as), Bo Van der Werf (bs), Sarah Murcia (b), Christophe Lavergne (dms)

[1Le Cullinan est paraît-il l’un des plus gros cailloux du monde…