Chronique

Richard Davis

The Bassist

Richard Davis (b), John Hicks (p).

Label / Distribution : Palmetto Records

Ce disque du grand contrebassiste Richard Davis est sous-titré « Homage to Diversity ». Concept clé du « politically-correct » américain, cette « diversity » se dit en français « droit à la différence » et elle est célébrée là-bas à toutes les sauces, à un tel point que les corporations obligent leurs employés à suivre des cours de sensibilisation à la « diversité ». Pour être admise par la loi et jovialement applaudie par un consensus général, la différence reste pourtant d’actualité, surtout en termes d’opportunités et de traitement aux mains de la police selon, justement, son degré de « différence ».

Bon, j’arrête mon numéro de cynisme facile. Comme l’a dit La Rochefoucauld, « l’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu ». Les choses ont quand même changé pour le mieux depuis les années 60, on ne va pas se plaindre de ça.

Richard Davis, né en 1930, s’est distingué par son ouverture, sa culture musicale et sa grande technique tout au long d’une carrière qui s’est déroulée aussi bien dans le jazz que dans le classique - vous voyez, Wynton Marsalis n’a rien inventé. Les musiciens de renom qu’il a accompagné, ou qui l’ont accompagné, sont bien trop nombreux pour les nommer ici. Avec le pianiste John Hicks à ses côtés, Davis interprète, le plus souvent à l’archet, une dizaine de morceaux allant du blues et gospel à la sonate d’Eccles - au répertoire, paraît-il, de tous les contrebassistes classiques - en passant par Ellington, Strayhorn et Charlie Parker, pour ne pas parler de « Skylark ».

Que dire de ce récital ? Que la musique est de qualité, que le son de contrebasse est somptueux, que la respiration des rhythmes est parfaite, que John Hicks a un goût impeccable ? Tout cela est vrai. Pris séparément, chaque morceau force l’admiration - enfin presque, j’ai toujours trouvé « A Flower Is A Lovesome Thing » de Billy Strayorn assez sirupeux et le chant du contrebassiste sur le traditionnel « C.C. Rider » n’est que gentillet. Mais à écouter le CD d’un trait, on risque d’éprouver un léger ennui, car il n’y a là aucune vraie tension, aucune urgence. Le tempo est modéré, les mélodies sont énoncées si respectueusement. Malgré le haut niveau général, je n’arrive pas à savoir si cette musique est belle ou seulement jolie. Richard Davis rend hommage à la diversité, mais il a oublié d’en mettre dans son CD. Enfin, s’il avait pour but d’être inoffensif, c’est gagné !

Exception à la règle : « Go Down, Moses », pizzicato… on se réveille.