Chronique

Rosario Bonaccorso

Viaggiando

Rosario Bonaccorso (b, voc), Roberto Taufic (g, voc), Fabrizio Bosso (tp, bugle), Javier Girotto (ss, quena, moxeno).

Label / Distribution : Via Veneto Jazz

Le temps est aux échappées discographiques des contrebassistes. Après les récentes parutions de Diego Imbert (Colors) et d’Yves Rousseau (Akasha), Rosario Bonaccorso propose aujourd’hui un Viaggiando aux accents brésiliens mais à l’allure mesurée.

On ne compte plus les participations de ce Sicilien, depuis une trentaine d’années, tant auprès de ses compatriotes Stefano Di Battista ou Enrico Rava que d’Elvin Jones, Pat Metheny ou encore Lee Konitz… Les labels Blue Note, ECM ou Verve lui sont familiers. Si son nom, en revanche, reste méconnu de la plupart des amateurs de jazz c’est que, comme (presque) tous les contrebassistes, il lui a fallu passer de l’ombre à la lumière en créant ses propres groupes et en jouant ses compositions, comme c’est le cas ici.

Cette quinzaine d’histoires courtes, parfois accompagnées de voix (qu’on pourra trouver superflues, bien qu’agréables), de « Viaggiando » à « Mon frère », installent un climat où perce le son puissant et feutré de la trompette du Turinois Fabrizio Bosso (« Matto »), habitué des scènes italiennes depuis une bonne quinzaine d’années. On pourra, à l’occasion, constater à nouveau l’influence déterminante et durable de Chet Baker sur les « trombettisti » italiens.

Viaggiando est un disque de plaisir. Plaisir d’évocations, de rencontres, de découvertes. Plaisir de jouer ensemble, manifestement. La formation elle-même (basse, guitare, trompette et sax) procure l’apaisement, et les bois latino-américains de Javier Girotto (quena et moxeno andines qu’en son temps Gato Barbieri avait intégrées dans ses Chapters) insufflent légèreté et épure. Chaque instrument trouve sa place dans et autour des autres (très belle prise de son de Stefano Del Vecchio). Le classicisme apparent n’a oublié ni la tradition (un « Mister Kneipp » emmené façon Baden Powell par les cordes de Roberto Taufic), ni l’esprit de la ballade (« Como la neve », à peine effleurée).

Aucune musique ne s’écoute par hasard. Il faut un espace, un instant, une disposition. Le beau disque de Bonaccorso a besoin de silence, ou alors de bruits feutrés et printaniers propices à la lecture de Char ou d’Ungaretti.