Chronique

Sarah Lenka

Hush

Sarah Lenka (voc), Florent Gac (p), Damon Brown (tp), Manuel Marchès (b), David Grébil (dm), Thomas Savy (cl, bcl), Aurore Voilqué (vln)

Label / Distribution : E-motive records

Il y a des signes qui ne trompent pas. La fragilité d’une émotion, l’air impalpable dont elle semble faite, sa présence sensible, ineffaçable : ce qu’on nomme parfois sincérité. Ce qui s’entend. On sent alors qu’il ne peut y avoir erreur, mensonge, faux-semblants. Ecoutez donc le thème qui ouvre Hush, de la jeune chanteuse Sarah Lenka : « Grandma’s Hands » de Bill Withers, entrelacs infinis entre la voix et la contrebasse de Manu Marchès. Mieux, ce « Stormy Weather » magique qui semble chanter en nous…

Avec ce deuxième disque (après Am I Blue), Lenka affirme une authentique personnalité. Musicale, mais pas seulement. C’est ce qu’il convient de souligner : on ne saurait transmettre autant de passions, de couleurs, de sentiments, de joies, de peines, de rythmes, de tendresse et d’éclats, sans être avant tout ce que l’on est, tout simplement, avant d’être une chanteuse. Plus précisément, quand on chante comme cela, c’est qu’on a le pouvoir insigne d’être pleinement soi-même et de se donner pleinement dans sa musique. Sans fard.

Quand beaucoup de chanteurs ou chanteuses (encore plus, sans doute), plus quelques instrumentistes, cèdent, pour des raisons que l’on imagine matérielles, à des modes qui, en tant que telles, manquent singulièrement de relief, il est réjouissant de déceler le talent singulier de Sarah Lenka, qui se déploie ici dans des registres différents : standards, compositions originales, une reprise de Portishead (« Glory Box »), ballades (« I’ll Wait » ou « Never Say Never »), beaux moments de swing (« Red Cardinal » ou « If I Were You »), le « Miss Celie’s Blues » de Quincy Jones , écrit pour La couleur pourpre de Steven Spielberg, et un superbe « Old Country » (Nat Adderley) et Curtis Lewis qui devrait convaincre les plus sceptiques.

Mais au bout du compte, cette diversité constante forme un tout cohérent. Et si le mélange reste homogène entre les styles et les thèmes - voire, comme dans le cas d’« All In All » (Max Lavegie), à l’intérieur d’un thème, c’est que Sarah Lenka s’affirme à chaque instant, entière et sans détours. On pourrait çà et là se demander si elle ne se pare pas de d’atours en forme de tentatives de séduction un peu appuyées, mais non : aussitôt elle nous rassure par son intensité, sa fragilité ou au contraire son assurance, toutes choses qui, manifestement, l’habitent sur le moment.

La section rythmique est la même que sur Am I Blue : Manu Marchès à la contrebasse, donc, Florent Gac au piano, et David Grébil à la batterie. Sans doute faut-il y voir une volonté, inséparable d’une démarche encore commerciale, mais plus rassurante que bien des opérations « marketing » dont le jazz vocal est friand. Damon Brown à la trompette, Thomas Savy à la clarinette et Aurore Voilqué au violon ajoutent avec un constant à-propos toutes leurs couleurs, des plus éclatantes aux plus subtiles, à cette musique qui se révèle avec un grand bonheur - celui de la sincérité.