Chronique

Simona Premazzi

Wave in Gravity

Simona Premazzi (p)

Label / Distribution : Autoproduction

L’onde de gravité suggérée par Simona Premazzi donne son nom à cet album en solo qui divulgue d’innombrables facettes de cette artiste. La toile contemporaine de Helga-Stüber-Nicolas sur la pochette du disque semble être une préfiguration anastatique chargée de dévoiler sa musique.

Née dans la péninsule italienne, Simona Premazzi immigre à New-York où elle côtoie l’avant-garde de la scène jazz depuis 2004. Sa prédilection pour le piano contemporain lui fait connaître les jeunes loups américains qui, très vite, se rendent compte à quel point cette pianiste a des idées fraîches. Dayna Stephens ou Ben Monder partagent la scène à ses côtés. Après avoir participé à de nombreux disques, elle décide de s’attaquer au Graal de tout pianiste accompli : enregistrer son album en solo.

C’est une diversité de climats qui s’égrène dans Wave in Gravity et pour cause : Simona Premazzi ne se contente pas d’immortaliser des morceaux de sa plume, elle va s’aventurer sur les terres de monuments déjà repris des centaines de fois par des pianistes inspirés. Cole Porter ouvre les hostilités avec une recherche harmonique de la pianiste qui très vite impose sa façon d’improviser, à la fois rigoureuse et empreinte de mystère. Exercice périlleux réussi. L’intelligence de Simona Premazzi permet
de faire revivre le bien trop sous-estimé Andrew Hill avec un « Smoke Stack » qui donna son titre en 1963 à un de ses albums Blue Note. Le modernisme du jeu d’Andrew Hill fut plus une contrainte pour lui qu’un accomplissement : à son époque, Bill Evans dévoilait un nouveau langage empreint d’introspection et la fureur de Cecil Taylor rassemblait les aficionados du mouvement naissant de la free music. Simona Premazzi rend ici un bel hommage personnalisé à ce pianiste trop en avance sur son temps qui avait préfiguré le troisième courant tout en ayant été l’un des mentors de l’AACM naissante dans sa ville de Chicago. Pour bien apprécier l’investigation du clavier par cette musicienne, rien de mieux que de remettre en circulation un vieux cheval de bataille. « Monk’s Mood », comptine éternelle et majeure du jazz est un joyau de ce disque ; loin de toute redite, il y a une élévation mélodique dans le traitement du thème, preuve d’une technicité de la pianiste au service de l’émotion pure.

Toutes les compositions de cette pianiste offrent une diversité musicale originale, et la pièce intitulée « My Heart Stood Still » impose un ostinato envoûtant qui invite à l’exploration tout en réussissant à rester constamment lyrique.

La créativité de Simona Premazzi apporte des perspectives multiples. L’amplitude de son jeu pianistique est une déferlante énergétique comparable à des ondes gravitationnelles.

par Mario Borroni // Publié le 4 juin 2023
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