Chronique

Céline Bonacina

Jump

Céline Bonacina (bs, voc), Rachel Eckroth (p, Rhodes, claviers, voc), Chris Jennings (cb), John Hadfield (dm, perc)

Label / Distribution : Cristal Records

Rares sont les saxophonistes qui adoptent le baryton. La taille imposante de cet instrument est redoutable, avec sa boucle insolite destinée à lui conférer une taille acceptable et sa particularité à adopter une clé supplémentaire lui permettant d’obtenir le La grave, c’est un colosse fascinant qu’il faut savoir dompter. Céline Bonacina y est pleinement arrivée et mieux encore, elle est devenue une des grandes spécialistes du saxophone baryton dans l’Hexagone. Daunik Lazro, François Corneloup et quelques autres aficionados de l’instrument se sentent désormais moins seuls.

Avec son album Jump très diversifié, Céline Bonacina chante et enchante avec enthousiasme ; son lyrisme est propagateur de vie. Pas un instant l’ennui ne s’installe : elle sait insuffler une dose de modernité à des compositions limpides. L’alter ego de la saxophoniste se nomme Rachel Eckroth ; retenez son nom et écoutez comment cette merveilleuse pianiste et claviériste arrive à tirer des sons captivants de son Fender Rhodes en utilisant la propagation de l’écho avec une intelligence rare.

Le Canadien Chris Jennings ne se contente pas d’assurer une pulsation rythmique à la contrebasse, il se remet en question et avance de front aux côtés de John Hadfield, batteur de plus en plus recherché aux Etats-Unis, dont la frappe malaxe les couleurs harmoniques avec subtilité. Son drumkit mêlant batterie et percussions enrichit la palette harmonique de l’album et ses collaborations remarquées avec Kenny Werner et Yo-Yo Ma démontrent sa belle versatilité.

La virtuosité de Céline Bonacina s’expose prodigieusement dans « Tunnel » et « Trap », fort bien soutenue par ses partenaires qui déploient des sonorités ensorceleuses. Ce quartet est enthousiasmant : les exposés poétiques apportés par « Lost in Translation » superbe fable évanescente, et « A Light Somewhere », où les voix brillantes invitent à la découverte de nouveaux horizons, en sont des exemples majeurs. « Hope », ballade exaltante à déguster paisiblement, démontre tout le talent de Céline Bonacina qui retrouve la faconde de l’illustre expert du saxophone baryton, Gerry Mulligan.

Jump , le bien nommé, est un saut dans une diversité de mondes imaginaires où cohabitent splendidement la tendresse et l’enfièvrement.