Scènes

Stage NOLA – 20 octobre 2012, sixième jour

Nous sommes aujourd’hui à la moitié de notre séjour à New Orleans.


Le groupe se lève tôt, un peu courbattu par cette première semaine. Autour du petit dejeuner, nous comptons nos piqûres de moustique. Les salauds ! Ils ne nous ont pas loupés et se sont amusés à jouer les vampires sur nos bras et guibolles. Le temps est toujours aussi magnifique, et ça donne tout de suite une vibration positive pour commencer cette longue journée.

Toute la matinée, MixCity se retrouve au Chickie Wah Wah pour mettre un dernier coup de collier au répertoire que nous proposerons cette nuit à la Maison, un club très connu sur Frenchmen Street. Quelques gars du groupe sont passés voir la patronne hier soir, elle compte sur nous pour jouer à partir de minuit et demie, et ce jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul client dans le club. Ouch ! Maison ferme à 6h du mat’ ! On voit en vitesse ce qu’on pourrait jouer pour rallonger un peu le répertoire, et puis on se dit qu’on improvisera. Nous sommes surtout là pour prendre du plaisir.

Après la répé et un petit imbroglio autour de notre repas complètement zappé par le patron du Chickie Wah Wah, on se retrouve finalement à l’India House. La bouffe n’est vraiment pas terrible. Je commence à ne plus en pouvoir de cette cuisine américaine, hyper grasse et peu digeste. Très peu de légumes, très peu de fruits, et beaucoup trop de viande ! Bon, on verra ça en France…

Vers 14h, nous sommes une petite demi-douzaine à vouloir suivre la Second Line qui part vers 14h45 sur North Rampart. Dans le tramway (un seul petit wagon !), je demande à Jérôme de me raconter l’histoire de ces défilés qui fondent tout le folklore néo-orléanais, versant « noir ». J’apprends que ces « marches » sont nées au sein de la communauté noire d’abord à l’occasion d’enterrements, puis de mariages et de fêtes religieuses. On appelait alors des musiciens à accompagner les corps au cimetière. Les morceaux étaient joués lentement tout long de la procession ; puis, une fois le défunt enterré, le groupe entraînait le cortège dans la rue et jouait les morceaux deux fois plus vite, pour donner cette fois un air de fête. Cette tradition s’est développée, et a toujours été animée par des « social clubs », devenus au fil du temps, des clubs de danseurs. Le nom de « second line » vient de là : il y a d’abord les danseurs, en première ligne, puis le marching band, en second. Le principe d’une second line est donc le même aujourd’hui. Un club de danseurs sort une fois l’an dans la rue. Il invite un band, et tout le monde se retrouve pour une marche d’environ 8 kilomètres dans un quartier de la ville. Et ça peut durer quatre ou cinq heures ! Le club doit, pour avoir le droit d’organiser une second line, s’acquitter d’environ 3000$ à la ville. Car en dehors du French Quarter, la municipalité interdit de jouer dans la rue. Donc il faut payer. Après Katrina, un sérieux bras de fer a opposé la ville à tous ces clubs, car elle voulait tripler le montant de ce droit. Et pour une fois, les clubs ont gagné leur combat en justice… Il y a aujourd’hui tellement de clubs de danseurs que le calendrier ne compte pas assez de week-ends pour tout le monde. Ainsi, ce week-end-ci, pas moins de quatre Second Lines en ville. Ici, ça annonce en général un gros week-end de fête ! Nous, nous allons à celle des Black Men of Labor.

Quand nous arrivons au départ du défilé, je suis d’abord surpris par la foule. J’ai du mal à en estimer le nombre. Peut-être 2 000 personnes. Les danseurs, tous noirs évidemment, arborent un costume très coloré, et la couleur du club a l’air d’être l’orange. Ils ont des pompes, tissus et chapeaux magnifiques, et on sent tout de suite qu’il y a derrière tout ça un rapport avec l’Afrique. Derrière, le marching band est assez fourni et je vois quelques musiciens blancs (en grande minorité). On retrouve d’ailleurs le sousaphoniste du Treme Brass Band, toujours excellent. Sur les conseils de Raphaël, je me cale près de la rythmique et on commence la marche au son d’un air très joyeux, et forcément très dansant. J’avais oublié un détail : il fait un soleil de plomb, et je me dis qu’à ce rythme, je vais choper la bonne insolation qui va bien. Si on pouvait éviter… Je cours voir si je ne peux pas trouver une casquette dans une boutique de station service, et j’ai de la chance, ils en ont. Quitte à en prendre une, j’attrape celle des Saints, l’équipe de football américain de New Orleans, siglée de la fleur de lys, l’emblème de la ville.

Une fois coiffé de mon énorme « cap », je rejoins les copains à la parade qui s’engage dans Treme. Il y a partout des vendeurs de boissons fraîches (Budweiser en tête) qui suivent la Second line. Une forte odeur de weed plane en permanence, et l’ambiance est électrique ! C’est vraiment la fête. Les gens dansent comme des fous, certains montent faire le show sur les perrons des maisons, d’autres montent sur les pick-up trucks improviser une espèce de danse ultra-rythmée. Je finis moi aussi par esquisser quelques pas de danse, pris par le rythme de la musique et de la marche. Après deux heures à arpenter ainsi Treme, le groupe fait une pause devant le Candle Light Lounge. J’ai définitivement perdu les copains dans la foule. Je me dis que ça serait pas mal de garder un peu d’énergie pour le concert de ce soir, et je quitte le défilé. Sur ma route, je trouve un magasin de disques. J’achète finalement un vinyle d’un live de Charlie Parker (avec Roy Haynes et Al Haig) pour un pote à qui ça devrait plaire, puis le dernier opus des Soul Rebels, et un vieil enregistrement de Dr Longhair qui rassemble quelques morceaux incontournables des défilés de Mardi Gras. Le hasard faisant bien les choses, je retrouve dans le tramway les potes que j’avais perdus à Treme. Ce soir, premier concert de MixCity à New Orleans !!!

Stay tuned !