Scènes

Stage NOLA – 21 octobre 2012, septième jour

La soirée d’hier soir restera dans les annales de MixCity…


C’est un peu touché que j’écris ces lignes, vers 21h dimanche soir ici à New Orleans. Il faut dire que la soirée d’hier soir restera dans les annales de MixCity.

Nous sommes donc arrivés sur Frenchmen Street vers 23h30, pour notre gig à la Maison. Samedi soir, du monde un peu partout, et une chaude ambiance à laquelle nous commençons à nous habituer. Dans le club, un groupe joue déjà. Naughty Professor. De jeunes blancs qui envoient sévère une espèce de speed funk dans la veine de groupes comme Lettuce, Soulive… Les mecs sortiraient d’une université texane réputée, dont sont issus les musiciens de Snarky Puppy, un band qui fait fureur en ce moment. En tout cas, ça joue grave. Cela nous met la petite pression supplémentaire qu’il nous fallait : ce soir, on lâche les chiens ! Pour nous, habitués des clubs en France, tout est un peu déstabilisant. Nous ne savons pas si nous sommes payés, nous hésitons à demander une boisson au bar… Finalement, l’accueil à Maison est cool. Pendant que l’autre groupe termine son concert, dans un final endiablé et « à l’américaine », nous nous installons sur la deuxième scène du club. Il va falloir enchaîner dès qu’ils auront fini. Ici la musique ne débande jamais !

Jérémie, qui nous a trouvé le plan à la Maison, a apporté un ampli basse costaud, ça va me changer du petit Hartke 70 watts que j’ai pour les workshops. Par contre, Alain tire un peu la gueule, la batterie du club est une armoire et il sait que ça va être compliqué. Mais notre Alain a de la ressource, et comme nous tous, il va réussir à mettre de côté tous les problèmes techniques qu’on aura pu avoir sur ce concert.

Sans balance, et remontés comme des pendules, nous attaquons - fort ! - vers 00h45. Le club est presque blindé, et il y a beaucoup de monde devant nous. Dès le premier morceau, des filles montent sur scène danser et piquer le tambourin de K20 (bientôt dégagées par le videur). Les conditions sont pourtant compliquées, pas de retours (chaud pour Julien notre chanteur), la rythmique n’est pas reprise dans la sono… Et puis nous sommes quand même dix sur le plateau, qui me paraît petit tout à coup. Pas grave, on envoie comme jamais, et j’ai les doigts qui chauffent sérieux au bout de trois morceaux. C’est bon !!! On est chauds avec Alain. Jean-Pat, qui a mis son beau chapeau, a trouvé le son. Les cuivres en chient parce que ça joue fort et que eux ne s’entendent pas bien. Mais ils envoient, les gars ! L’ambiance, l’enjeu… Pas tous les jours qu’on joue ici bordel ! Super bonnes vibes au final, on lâche rien du concert, on joue ensemble, on se solidarise sur les dangers du set, et je crois pouvoir dire que tout le monde kiffe.

Au mic’, se relaient Julien, notre crooner, Jean-Marie, qui déconne grave avec les gens et assume un côté animateur que les trompettistes ont ici… et K20, qui, sans ses habituelles platines, fait le MC du groupe ! C’est cool de le voir se lâcher sur un flow hip hop qui envoie vraiment dans une version musclée de « New X » à la fin du concert. La semaine passée ici nous a donné le bon « Nola’s Mood », et c’est cool d’arriver à le dire sur scène. Le public nous a vraiment kiffés lui aussi ! On a réussi à le garder avec nous, et il a fallu déployer de l’énergie pour ça. Quand tu joues dans un club, et que dans un rayon de 50 mètres, dix autres groupes jouent en même temps que toi… Les States quoi. Une gamme de vibrations qui ressemblent à ce pays. Extrêmes. Je pense à ces musiciens américains qui vivent cette urgence chaque jour, voire plusieurs fois par jour. Vu d’ici, je me dis qu’elle est fondamentalement là, la différence : ici à New Orleans, les gars ne passent pas leur temps à répéter, ils jouent sans arrêt, e toujours devant du monde. Jusqu’à quatre gigs par jour ! Moi je suis intermittent ; en gros j’ai quatre gigs déclarés, mais dans le mois… Ça n’est pas moins difficile, et nos sociétés sont si différentes que nous ne pouvons pas jouer de la même manière. Tant mieux ! En tout cas, mortel de rejouer mardi et mercredi ! Envie avec toute l’équipe de revoir ce public américain.

Je passe sur ce qui suit le concert. Le bonheur d’être avec des potes un soir où tout le monde a kiffé, où il s’est passé quelque chose de spécial. La soirée se prolonge à l’India House, on prend le temps et l’heure tourne… Dehors, la douceur néo-orléanaise est parfaite pour ce genre d’after. On va au bout de la nuit.

Le matin, vers 9h30, seul Sly est en mesure de suivre Jérôme à la messe gospel d’une église dans Treme. Gros regret de mon côté, mais il faut dormir un peu…

On retrouve les gars qui ont déjà commencé la grosse Second Line de l’après-midi, celle qui célèbre le bicentenaire. Sly me raconte la messe. Ça l’a beaucoup ému, il a beaucoup aimé… La journée est lancée, et de toute façon, c’est la fête !!! Après tout, la devise locale n’est-elle pas de laisser le bon temps rouler ? Il y a encore plus de monde qu’hier, et cette fois quatre marching bands se succèdent… Incroyable. Une ambiance de carnaval, sans que ça soit un carnaval… Beaucoup d’images me passent par la tête. Difficile d’en choisir une ! MixCity se recompose tout ce début d’après-midi, et nous sommes là au grand complet. Tout le monde réalise que vivre ça, un lendemain de concert à 8 000 bornes de la maison… Ben ouais, quand même.

Jusqu’à la fin de la second line, vers 16h, nous resterons près du dernier brass band du défilé : le TBC Brass Band (pour « to be continued »). Ils ont la cote en ce moment ici, et proposent une version plus « jeune » de la tradition. On les entend jouer des reprises (du YoungBlood notamment), des compos à eux, des arrangements de grands standards de la funk (George Clinton…)… La petite « touch » que j’apprécie, c’est le rapport à la tradition des Black Indians. Beaucoup de cloches, et j’aime beaucoup quand le brass band sonne tribal. Les danseurs sont en transe devant le TBC, et c’est toujours aussi détendu. On sent que la communauté vit ici une sorte de lâcher-prise collectif, et c’est ultra-communicatif. Et puis rien de mieux pour se remettre des agapes de la veille. J’adore !

A la fin du défilé, retour à l’église dont tout est parti. La foule s’éparpille. Je rejoins Jérôme et Julien, en grande discussion avec le saxophoniste de TBC. Il est blanc, et c’est un français ! Paul est à New Orleans depuis 2007. Il nous raconte ce qui se passe en ce moment au niveau des brass bands, les dernières annonces et rumeurs (comme par exemple le Rebirth qui devrait arrêter les Second Lines après deux décennies de bons et loyaux services). Je devine qu’une certaine compétition règne, que la vie n’est pas si « easy » qu’elle en a l’air. Pour mémoire, le fondateur du TBC s’est fait dessouder de deux balles il y a quelques années. 23 piges. C’est vraiment dans une ambiance particulière que les musiciens évoluent ici. Mais ils sont debout ! Et ce soir, après ses quatre heures de second line non stop, Paul rejoue avec le TBC au Blue Nile.

Je me dis qu’une petite visite au centre de New Orleans serait cool, et je motive Jérôme pour qu’il m’emmène chez un bon disquaire. On traverse le French Quarter, et on prend un peu le temps de flâner… C’est vraiment un chouette quartier. On atterrit enfin à Music Factory. Deux étages, dont le deuxième consacré aux vinyles. Je n’ai pas de platine chez moi (faudrait y penser sérieusement), mais je pense à mes potes qui seraient dingues d’être à ma place. Je déniche quelques galettes à 3$ qui devraient faire plaisir aux uns et aux autres. Et moi aussi je deviens dingue, donc il faut mieux rentrer…

Soirée tranquille à l’India House avec les gars. Certains se motivent, et ressortent voir le TBC au Blue Nile. Demain, encore une journée off avec une sortie dans le bayou !

Stay tuned !