Chronique

Stéphane Payen

Morgan The Pirate

Gilles Coronado (eg), Sylvain Bardiau (tp), Frédéric Gastard (ts), Christophe Lavergne (dm), Matthias Mahler (tb), Stéphane Payen (as)

En s’appropriant les compositions du trompettiste Lee Morgan (1938-1972), le saxophoniste Stéphane Payen rend non seulement hommage à l’un des modèles du son Blue Note des années 60 mais fait également œuvre nouvelle. Sans mettre à mal la richesse mélodique et rythmique des pièces originales, il parvient à leur donner de nouvelles perspectives et projette le matériau retravaillé dans une modernité brûlante.

En dépit d’un son compact, son sextet s’articule en deux pôles distincts assurant une dynamique féconde à cette mécanique infaillible. La section rythmique, soumise à la guitare de Gilles Coronado et la batterie de Christophe Lavergne, maintient une tension et se place en opposition ou confrontation à une section de soufflants redoutable de précision (à l’alto du leader s’ajoute le trio Journal Intime : Matthias Mahler, Sylvain Bardiau et Frédéric Gastard).

Soutenues par des arrangements précis, éclatés en blocs cubistes, les lignes mélodiques électrifiées restent lisibles par effet de transparence. Elles valorisent l’implacabilité du tempo et le foisonnement harmonique, redéfinissant les effets de dramaturgie et leur environnement. Le renouvellement incessant des stratégies d’approche conserve au disque un intérêt permanent et laisse aux instrumentistes le soin d’investir pleinement quelques titres phares de Morgan. La guitare fiévreuse avive “Party Time”, l’alto embrase « Desert Moonlight », la batterie bouscule « X Notebook » tandis que le trombone vient se poser bruyamment sur “Stop Start”.

Pensées au départ comme des exercices stylistiques, ces adaptations sont en réalité un hommage incandescent à une musique qui gagne ainsi une forme d’intemporalité et trouve une nouvelle incarnation dans l’intensité de notre présent.