Push the Triangle
Cos la machina 1
Franck Vigroux (guitares, platines), Médéric Collignon (cornet, voix), Michel Blanc (batterie), Stéphane Payen (saxophones), Jenn Priddle (voix)
Label / Distribution : D’ autres cordes
Push the Triangle est depuis quelque temps une entité tricéphale constituée de Franck Vigroux, l’inspirateur, Michel Blanc et Stéphane Payen. Avec le renfort de Médéric Collignon et Jenn Priddle, le disque aurait pu s’appeler « Push the Pentagon » mais il est toujours bon de ménager la susceptibilité américaine et la bonne entente diplomatique…
Le morceau d’ouverture « Recycling Lilas » nous plonge tout de suite au coeur d’une ambiance trouble, nocturne… sorte de bande originale luxueuse pour film dickien écrite par Olivier Messiaen. Collignon a le même don d’ubiquité que Peter Sellers dans « Docteur Folamour » : présence rassurante et feutrée au cornet, dérapages burlesques du chant ou grondements inquiétants. Le côté cinématographique de l’affaire est également renforcé par la voix off et néanmoins incarnée de Jenn Priddle, revenant sur les morceaux « Brieth » ou « In The Perfume of The Muse ».
Inutile de détailler plus linéairement « Cos la machina 1 », grand jeu de collage d’ambiances et d’univers futuristes - le disque peut s’écouter comme un flux et reflux incessants de presque-déjà-vus, presque-déjà-entendus : souffles calmes (« Snapshot ») ou saxophone déchiré (« Petit tambour »), batterie chargée de groove ou de sauvagerie (« Sept secondes de Pacifique »), délires bruitistes parfaitement maîtrisés et surtout très communicatifs, bidouillages électroniques très pertinents de Vigroux (un peu partout, et en particulier « Cos la machina »), par ailleurs assez discret sur son instrument de prédilection (excepté sur le volcanique « u »).
Il y a bien sur des rapprochements à opérer avec le fameux « cut-up » à la John Zorn, cette sorte de frénésie du changement perpétuel portée à son apogée dans « Godard/Spillane » ou « The Bribe ». Sauf qu’ici l’urgence du toujours neuf se mue en exigence instantanée du temps rempli ; et peut-être un peu trop étiré sur la fin du disque.
« Push the Triangle » est sans doute une des formations expérimentales les plus excitantes du moment, et comme toute oeuvre radicale, « Cos la machina requiert une immersion plus ou moins longue, un abandon des conditionnements et la libre résonance neuronale.