Chronique

Steven Jezo-Vannier

Ma Rainey, la mère du blues

Label / Distribution : Le Mot et le Reste

Ma Rainey fait l’objet d’une certaine admiration auprès des connaisseur.se.s du blues. Elle a été incarnée à l’écran par Viola Davis en 2020 dans « Ma Rainey’s Black Bottom », une adaptation de la pièce de théâtre d’August Wilson. Elle est, avec Bessie Smith et Billie Holiday, au panthéon d’Angela Davis qui consacre aux trois chanteuses un ouvrage « Blues et féminisme noir » (éd. Libertalia), conçu dans une perspective sociologique et politique.
Ma Rainey est un personnage qui fascine.

Steven Jezo-Vannier
reste pourtant très objectif et prudent avec la biographie de cette fantasque blueswoman car les documents sont rares qui illustrent ou certifient la vie des Africain.e.s-Américain.e.s entre 1886 (date supposée de sa naissance) et 1939 (date de sa mort).
Beaucoup de légendes portées par le bouche-à-oreille circulent, parfois même en chansons, et il fallait un certain grain de folie en ce début de XXe siècle pour se produire sur scène aux USA quand on était une femme noire. Un grain de folie, beaucoup de culot et surtout un grand mystère pour ne pas avoir à répondre aux questions trop précises.
C’est là le talent de l’auteur qui nous embarque dans une histoire qu’il sait tourner avec fluidité pour qu’elle ressemble à un roman mais qui détaille en permanence ses sources, doutant de chaque élément, proposant des hypothèses plausibles et contextualisant les informations trop techniques.

On se laisse happer par les infortunes et les succès de celle qui, avec Bessie Smith qu’elle a côtoyée, a très certainement joué le rôle de passeuse entre le vaudeville et le minstrel-show de la fin XIXe et les premiers blues à l’architecture établie qui se répandent comme une crue le long du Mississippi.

Un ouvrage essentiel sur le sujet, par l’auteur de l’excellente biographie d’Ella Fitzgerald qui peut accompagner l’achat de « La Ballade de Robert Johnson » de Jonathan Godet (Le Mot et le Reste).