Chronique

Jeppe Zeeberg

The Full Experience

Label / Distribution : Autoproduction

Le nouveau projet discographique du pianiste, compositeur et producteur danois Jeppe Zeeberg s’appelle The Full Experience et porte bien son nom.
Produit uniquement en vinyle, The Full Experience est un voyage, une visite guidée plutôt, une sorte de Magical Mystery Tour.

Jeppe Zeeberg, Eulipion touche à tout, a composé une œuvre globale, avec un début et une fin, une narration et une finalité. Un album concept, qui nous emmène aux confins des musiques de Jacques Tati, qui balance entre l’énergie arkestrale du Supersonic et le mille-feuilles stylistique du Skarbø Skulekorps mais qui reste dans les marques des précédents enregistrements coordonnés par le Danois.

En réunissant la fine fleur de l’improvisation danoise, ensemble mais séparément, il propose des séquences pleines d’humour et d’intransigeance.
Grâce à un texte qu’il a écrit et qu’il fait lire à une voix de synthèse, sorte de GPS discographique qui donne la direction à suivre (« six étapes pour écouter la musique »), on suit, plage après plage, les questionnements sur le disque, les conseils décalés et les remarques sarcastiques sur la marche du monde. En cela, il se place dans la lignée de Spike Jones et de son délirant Dinner Music For People Who Aren’t Very Hungry

Sur The Full Experience, les titres des morceaux sont à l’avenant et il faut reconnaître à Zeeberg le recul nécessaire pour présenter une pièce très répétitive, minimaliste et très rock et l’appeler « Artistically Yes, Commercially No ».
On retrouve sur ce disque les musicien.ne.s fidèles avec qui il joue dans son quartet Jeppe Zeeberg and the Absolute Pinnacle of Human Achievement, Dødens Garderobe, Horse Orchestra, ainsi que d’autres personnalités satellites.

Mais ce qui donne toute sa force à ce projet, c’est la justesse des arrangements (notamment ceux des vents / orgues) que Zeeberg maîtrise et grâce auxquels il donne des couleurs bien spécifiques à sa musique, une signature bien trempée avec l’héritage du choral classique en filigrane.
Un interlude en trio : une flûte traversière (Julie Kjær), une flûte à bec ténor (Petter Hängsel) et un petit orgue à tuyaux (Jeppe Zeeberg), ouvre une variation sur un air d’Anthony Holborne (1545-1602). Les formations vont, selon les pistes, du trio à l’octet, chaque orchestration proposant une couleur différente. On ne négligera pas le jeu au clavier du leader, notamment une très belle inspiration dans son solo de piano, orchestral et magistral sur « Cloth’d In Robes Of Blood And Gold »
La guitare d’Henrik Olsson n’apparaît que trois fois sur le disque, mais il apporte un tranchant rock expérimental vraiment notable. Quant au trompettiste Erik Kimestad, il survole l’ensemble avec un son clair et un discours très fin qu’on lui connaît également dans le Horse Orchestra. « We’re Gonna Party Like It’s Anton Weber’s Birthday » est l’occasion d’une passe d’armes entre les deux saxophones altos de Julie Kjær et de la fantastique Laura Toxværd.
Toujours aussi roborative et kaléidoscopique, la musique de Jeppe Zeeberg ne demande qu’à se donner sur scène, un luxe qu’on aimerait pouvoir s’offrir dans pas trop longtemps.
En ce qui concerne le disque, on aimerait dire à cette voix qui parle : give me more !

Avec, selon les titres : Erik Kimestad, Claus Højensgård – (tr, voc) ; Julie Kjær – (fl, sax) ; Laura Toxværd – (sax) ; Petter Hängsel – (trb, fl, voc) ; Kristian Tangvik – (tub, voc) ; Henrik Olsson – (g) ; Anders Holst – (banjo) ; Jeppe Skovbakke, Casper Nyvang Rask – (b) ; Rune Lohse, Søren Høi – (d, perc) ; Kresten Osgood – (d) ; Jeppe Zeeberg – (p, org, mello, synth, vib, g, d, voc)

par Matthieu Jouan // Publié le 9 mai 2021
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