Chronique

Trio Zira

Parfum d’épices

Soheil Nourian (zarb, daf, oudou), Isabelle Cirla (clb), Fabrice Rougier (cl, clarinette turque, cacarot), Keyvan Chemirani (zarb, daf, oudou)

Le jazz oriental semble devenir une spécialité toulousaine. Si d’aucuns se contentent de saupoudrer leurs compositions de sonorités moyen-orientales, le Trio Zira, lui, sait de quoi il parle : son percussionniste Soheil Nourian (zarb, daf, oudou) s’est formé au conservatoire de musique de Téhéran et auprès du maître de zarb Djamchid Chemirani, dont l’un des fils, Keyvan, également virtuose des percussions iraniennes, est invité sur cet album (les amateurs de duos de percussions peuvent se précipiter d’emblée sur la neuvième plage de l’album, « Felfel va namak »).

Fabrice Rougier (clarinettes, cacarot) est lui aussi passé par les musiques traditionnelles, notamment occitanes (il est l’un des membres du très remuant groupe La Talvèra). Compositeur de neuf des quatorze thèmes de l’album, arrangeur des autres, il s’appuie sur des formes issues de la tradition mais les étire et les stylise, décale les métriques, marie gaiement la carpe et le lapin sous les auspices du jazz (« Aux zarbs Citoyens », « Balladology »), avec quelques ressouvenirs minimalistes (« Zerechk », « Somak »...). Deux titres sont empruntés à deux orientaux adeptes des grands écarts esthétiques : « Talwin » est d’Anouar Brahem et « Clariff » de Youval Micenmacher, et un troisième, « L’atissaire », composé par Daniel Loddo (La Talvèra), donne à une simple bourrée un air arabo-persique plutôt inattendu.

L’instrumentation : deux anches et un percussionniste, est à la fois dépouillée et riche de la confrontation des timbres. La clarinette basse d’Isabelle Cirla, soutien harmonique de l’ensemble, a la rondeur et la profondeur qu’il faut pour tisser la base du trio. Elle passe avec souplesse d’une basse répétitive à un motif en contrepoint, pose les modes, structure les développements (« C’est affreux ce que c’est beau » en donne un parfait exemple). On aimerait éviter l’image du tapis persan, mais tout de même... si la basse donne la couleur, les nuances et le velouté du fond, les deux autres instrumentistes se chargent des arabesques et des volutes, des feuillages et des calligraphies.

« Zira » signifie « parce que » en persan, nous dit-on. « Parfums d’épices » est donc une réponse. Ou sont-ce quatorze réponses à une question informulée, et qui posent autant de nouvelles interrogations ?

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