Scènes

Un été ariégeois

Philippe Fréchet a été séduit par deux festivals du Sud-Ouest cet été.


Philippe Fréchet a été séduit par deux festivals du Sud-Ouest cet été.

Festival de jazz à Foix (21 au 29 juillet 2001)

Malgré des problèmes d’organisation et d’impréparation,
une belle réussite sur le plan musical, dans une cour d’école
dont tous les musiciens sans exception vanteront la splendide acoustique et
l’immense et superbe marronnier central. Neuf jours de belle et bonne musique,
avec quelques moments privilégiés, parmi lesquels je retiendrais,
comme autant de « coups de cœur » :

- Christian Lavigne (p), en trio avec Michel Altier (b) et Éric Bretheau
(dm) : épure et épices, comme un (noir) bateau entre la fraîcheur
de la mer et le souffle chaud du vent du sud.
- Jean-Michel Pilc (p), en trio avec François Moutin (b) et Ari Hoenig
(dm) : une énergie, un équilibre, un accent sans équivalent(s)
sur la scène contemporaine.
- Jean-Michel Cabrol (ts), en quartet avec Davy Grademange (p), Jean-Pierre
Barreda (b) et Vincent Calmettes (dm) : magnifique hommage à ce cher
vieux Trane, qui devait jubiler sous son auréole…
- le quartet barcelonais du batteur Xavi Maureta, avec Gorka Benítez
(ts), Albert Bover (p) et David Mengual (b).
- Jean-Paul Raffit (ac-g, el-g, samp) et Frédéric Lacourt (ss)
 : on pense à des duos (célèbres ou rêvés)
 : Terje Rypdal / Jan Garbarek, Bill Frisell / John Surman, John Scofield / Bill
Evans (le sax), Derek Bailey / François Jeanneau. J’ignore si ces noms
évoquent justement ce que j’ai pu entendre, mais toujours est-il que
pureté des sons, maîtrise instrumentale, utilisation pertinente
et intelligente de l’électronique et des effets, variété
du répertoire (entre improvisations totales, standards et compositions
personnelles), qualité de l’écoute respective..., tout était
là.

Jazz à Pamiers (1er & 2 septembre 2001)

Jean-Paul Raffit (découvert à Foix en juillet) est, tout à
la fois, mage provocateur, sorcier sympathique, alchimiste de rencontres, grand
saucier de l’improvisation, touilleur émérite de la marmite musicale.
D’abord guitariste de blues, il a ensuite accompagné divers chanteurs
aux univers particuliers (Bernardo Sandoval, Éric Lareine…) et se
consacre à présent, outre l’enseignement, à la mise en
place de projets ponctuels, se plaisant à invoquer-convoquer-provoquer
rencontres inattendues et surprenantes confluences. Ainsi des deux soirées
de Pamiers :

Samedi : Isabelle Bagur (flûtes), Christian Lechevretel
(bugle), Malik Richeux (violon), Jean-Paul Raffit (guitares acoustique et électrique,
samplers), Joël Trolonge (contrebasse), Pierre Dayraud (batterie, percussions).

Isabelle vient du classique ; Pierre, ancien guitariste, est devenu percussionniste
dans de nombreuses expériences musicales tant dans le monde du jazz (Jean-Michel
Pilc, Stéphane Belmondo…) qu’à travers ses interventions
régulières en Afrique ; Christian Lechevretel (Hector Zazou, FFF…)
a créé (avec le batteur Krishoo Monthieux) le groupe électro-jazz
Liquid ; Malik (études classiques à partir de 4 ans, découvre
le jazz à 18, depuis se promène entre jazz manouche, flamenco
et musiques improvisées) et Joël se sont croisés dans le
Latcho Drom… Des musiciens aux univers et parcours très divers,
donc, dans un répertoire plus improvisé qu’écrit, alternant
compositions personnelles (de Raffit ou Trolonge), une visite chez Miles (All
Blues) ou chez Gabriel Fauré (travail harmonique superbe du guitariste
sur la mélodie de Mai, écrite à l’origine par le compositeur
ariégeois sur un poème de Hugo) et surtout des créations
collectives scénarisées et instantanées (improvisation
totale à partir de critères prédéterminés
 : durée, orchestration, climat - joliment appelées « miniatures » lorsque la formation choisie est petite et le temps décidé
bref). On a pu ainsi déguster (comme on le ferait d’un foie gras frais
poêlé arrosé d’Hypocras) des pièces à 2 (duo
g/fh), à 3 (trios dm/b/g, vl/fl/g ou dm/b/fh) ou à 6, toutes plus
ciselées les unes que les autres et où le plaisir de l’oreille
est toujours doublé du spectacle de la jubilation évidente (et
communicative) des musiciens à jouer ensemble. L’une d’elles s’est instantément
intitulée « Il pourrait vous arriver des histoires… »
et c’est bien ce qui nous est arrivé : un beau paquet d’histoires, recueil
de nouvelles courtes ou longues, à douces ou violentes voix, drôlatiques
ou dramatiques, des histoires de la vie, tout simplement.

Dimanche :1ère partie : Brigitte Fischer (chorégraphie
improvisée), avec Christian Lechevretel (bugle) & le trio Vox [Jean-Paul
Raffit (guitares, samplers), Olivier Brousse (basse, contrebasse, samplers)
& Alex Roger (battericussion)] ; 2e partie : André Minvielle (chant,
voix, « chaudron », jeux de sons et de parole).

Spectacle « total » associant plusieurs langages artistiques et dans
lequel l’improvisation mène le jeu et le jeu conduit l’improvisation
(et réciproquement). Personnellement, j’ai été moins convaincu
que par le concert de la veille. Si la musique était toujours pleine
d’imprévus, de surprises, de moments magnifiques, d’écoute attentive
et d’entente parfaite entre les musiciens, la dimension chorégraphique
m’a paru moins passionnante.

Il reste à souhaiter que ce petit festival, rapidement improvisé
pour sauvegarder une manifestation en perte de vitesse, puisse être renouvelé
(et augmenté) l’an prochain, avec peut-être un intitulé
plus marqué vers la musique improvisée que vers le label « jazz » : quelque chose comme " Rencontres de Musiques Improvisées
& Instantanées " (RM2I). Allez, je dépose le nom.