Chronique

Val Jeanty - Candice Hoyes - Mimi Jones

Nite Bjuti

Val Jeanty (perc, dm, elec, pedals), Candice Hoyes (voc, pedals), Mimi Jones (b, voc, pedals).

Label / Distribution : Whirlwind

Ce disque est réjouissant : il réunit tous les ingrédients qui nous font aimer la musique. Expérimentations, rythmes foisonnants, voix profondes, basse tellurique, électronique novatrice, danses soniques accolées à l’improvisation et compositions épurées.

Tout est lié à la temporalité dans Nite Bjuti : l’étirement des notes et les séquences zébrées d’échos conditionnent une écoute qui mérite d’être renouvelée afin d’en saisir les micro-tonalités et les subtilités qui vont de pair.

Val Jeanty, force irradiante de ce disque, est l’arrière-petite-nièce du compositeur et pianiste haïtien Occide Jeanty et la petite-fille de GranMe Shoun, « mambo », c’est à dire, en créole, prêtresse vaudou. Arrivée en 1986 aux États-Unis, cette percussionniste spécialiste des turntables collabore avec de nombreux artistes. Pour l’avoir entendue sur scène aux côtés de Terri Lyne Carrington et Kris Davis, je sais l’envoûtement qu’elle propage avec ses investigations musicales. Diplômée de Harvard, Candice Hoyes compose, chante et explore les sujets cruciaux de notre époque. Elle rend compte de l’importance qu’a eue la musique noire dans les champs culturel et politique, et comment elle a fait progresser sa vision sociétale. Après avoir fréquenté la Harlem School of the Arts et la Manhattan School of Music de New-York, Mimi Jones illumine la musique avec un magnétisme empreint de modernité suburbaine. Il y a en elle de fortes racines : elle vénère Ray Brown et fut la partenaire musicale de Kenny Barron, Ravi Coltrane, Rudy Royston et Ralph Peterson parmi de nombreuses autres pointures.

Il faut se laisser porter par le rythme obsédant de « Mood (Liberation Walk) », découvrir la basse issue des profondeurs argileuses, la voix ensorceleuse et l’électronique céleste de « Stolen Voice », imaginer les cieux délicats de « The Window » qui conduisent directement aux incantations à l’archet de « Witchez ». C’est alors que le trio remplit l’espace de fleurs vaporeuses ; le temps est comme suspendu. « Speech And Silence » se laisse apprivoiser avec cette contrebasse mingusienne et « Soursop » submerge l’esprit tel un rituel africain teinté d’urbanité. Le final de l’album n’en est que plus séduisant : l’électronique aromatique de « Silk Asteroids » expose magiquement « Singing Bones » à la lumière.

Le jour, la nuit, l’espérance, l’amour : le message de Nite Bjuti chasse le tourment : trois voix complémentaires se sont unies pour célébrer un jazz étoilé.