Chronique

Vincent Courtois & Bill Carrothers

East / Firebirds

Vincent Courtois (cello), Bill Carrothers (p) / Vincent Courtois (cello)

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Double sortie concomitante pour Vincent Courtois. D’une certaine manière, East constitue le nouveau versant d’un travail débuté avec West, sorti en 2015. Le violoncelliste y développait un univers personnel qui était une synthèse réussie de ses obsessions. Le lyrisme et le beau son régnaient en maîtres, comme dans ce nouveau disque à la feuille de route pourtant diamétralement opposée. Courtois, en effet, délaisse les compositions personnelles et l’improvisation pour se confronter, en solitaire, à des pièces tirées du répertoire classique du XXè siècle. Arthur Honegger, György Ligeti, Luciano Berio, Krzysztof Penderecki, Paul Hindemith et Hans Werner Henze sont ainsi convoqués, de même qu’une pièce de Dominique Pifarély.

Certes éloigné des canons du jazz tel qu’il le pratique, ce programme en constitue, pourtant, une des composantes évidentes. L’articulation entre la méticulosité du style et la précision des architectures est une des constantes de ces grands compositeurs, de même qu’une des manières de faire vivre la musique intime du violoncelliste. C’est donc naturellement qu’il se prête à un exercice, longtemps désiré selon ses propos, d’une interprétation qu’il s’approprie pleinement et habite de manière convaincante.

La maîtrise de l’instrument est bien évidemment convoquée et lui sert à exécuter les traits les plus ardus. Pourtant, ce sont avant tout le sens de l’espace, la mise en perspective des profondeurs mouvantes, la respiration et le déploiement d’un espace sonore qui sont le moyen de les valoriser. Ils font de ce disque un programme, si ce n’est lumineux puisque tous les titres ne le sont pas, en tout cas d’une grande clarté.


Autre ambiance, quoique proche, avec Firebirds, en duo cette fois avec le pianiste canadien Bill Carrothers. A l’initiative de Gérard de Haro, ingénieur du son du Label La Buissonne, ce duo se rencontre, se découvre et s’épanouit à l’occasion de cet enregistrement. Sur un répertoire qui va de Duke Ellington à Egberto Amin Gismonti en passant par Joni Mitchell ainsi que des compositions personnelles, les musiciens jouent d’infinie délicatesse pour exprimer la sensibilité de chacune de ces compositions, parfaitement choisies. Le piano posé de Carrothers est une plongée dans un chromatisme impressionniste large qui ne se limite pas à des aplats subtils. Des enluminures enrichissent la dynamique générale et la vivifient. Elles sont d’ailleurs le contrepoint équilibré d’un violoncelle profond, grave, qui prend à sa charge la voix fondamentale du duo. Il chante, mélancolise avec un art de la retenue qui évite le sentimentalisme et fait de cette rencontre un moment d’une grande pureté musicale et d’une grande richesse. La présence sur deux titres du saxophoniste Eric Seva se fait avec naturel et réussite et ouvre plus encore le champ des possibles de cette association.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 12 décembre 2021
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