Chronique

Vrak’Trio

37 avril

Etienne Lecomte (fl), Laurent Guitton (tu), Oriol Roca (d)

Label / Distribution : Label Manivelle

Dès le titre, 37 avril, l’étrangeté est de mise. Quelle est cette date qui n’existe sur aucun calendrier ? Celle d’un printemps suspendu, ou la date d’une représentation théâtrale que dessine en creux Vrak’trio dans les quinze morceaux courts et nerveux de ce premier album, qui se pare du velours rouge des fauteuils d’orchestre ?

Le point d’interrogation qui se dessine, discret, non loin du titre laissera libre court à l’imagination et à la musique onirique d’un trio étonnant jusque dans ses timbres. Une flûte, un tuba et une batterie, le triangle est inédit et le résultat séduisant. De surcroît, jamais il ne tombe dans l’anecdote, le piège de la formation atypique. Car la formation catalane du flûtiste Etienne Lecomte construit en toute cohérence une sorte de suite qui visite ces sonorités nouvelles, créant en miniature de petits univers reliés.

À l’image de cette configuration particulière, les nouveaux espaces créés par le discours commun des trois musiciens restent à défricher, et c’est de cet essai de langage nouveau que naît la magie. La relation entre la flûte incisive de Lecomte, clef de voûte de l’ensemble, et le tuba agile de Laurent Guitton fonde un propos où l’image et la couleur influent sur le cours de l’improvisation. C’est sur cette dominante que se place le batteur Oriol Roca, qui influe presque plus sur le développement mélodique que sur cette rythmique, socle partagé du trio.

On retrouve la même alchimie sur le groove nerveux de « Nappe frénétique », mais surtout sur le très onirique « Brass » : les deux soufflants se mêlent dans une nostalgie de fanfare abstraite et mélancolique que l’improvisation rehausse de lumières voyageuses en se frottant aux folklores imaginaires. Cela évoque par petites touches le trio d’un autre tubiste, le Belge Michel Massot, avec l’accordéoniste Tuur Florizoone et la violoncelliste Marine Horbaczewski [1]. Il faut d’ailleurs louer le travail remarquable de Guitton au tuba tout au long de l’album. Le fondateur de l’Electric Tuba Gang utilise au plus loin les ressources infinies de son instrument. Jamais il ne se borne à la simple basse, et le trio ne lui attribue jamais le rôle un peu épais, trop souvent dévolu à son instrument. Ici, ce dernier peut se faire trombone gracile ou percussion grave. Tout le secret du Vrak’Trio tient peut être dans la volonté de déjouer l’ornière (l’opposition entre flûte élancée et tuba trapu) pour, au contraire, échanger les rôles avec une malice constante ; c’est là ce qui en fait une découverte réjouissante.

par Franpi Barriaux // Publié le 21 mars 2011

[1Cinema Novo, sorti en 2008 chez homerecords.be.