Scènes

Querbes en Vrak

Querbes, ce n’est pas seulement trois nuits et trois jours en août, c’est aussi « hors saison ». On vous l’avait déjà dit mais on ne vous l’avait pas encore raconté. Voici donc.


Quatre ou cinq soirs entre novembre et mai, le hameau de Querbes connaît une fréquentation inusitée. Pas l’affluence de la mi-août, certes, mais le temps ne le permettrait pas : ici les automnes sont souvent pluvieux, les hivers rigoureux, les printemps parfois frisquets. Pas question de dîner sous les lampions, de se garer dans des prés mouillés : le climat se prête mieux aux soirées au coin du feu.

Des « concerts chez l’habitant », mais à la mode de Querbes, en somme. Les fondateurs du festival, Jean-Paul Oddos et Katrin Adler, vous reçoivent dans leur maison ancienne, retapée le moins possible pour conserver son identité de logis paysan, avec une grande salle où trônent le cantou - large cheminée au-dessus de laquelle on pose le calendrier des Postes, avec sa lampe à ressort pour tricoter, lire ou écaler les noix -, l’horloge qui sonne les demi-heures, l’immense armoire lingère et, dans un coin, le haut lit couvert d’une courtepointe en piqué de coton. On s’assied sur l’un des longs bancs de bois alignés dans toute la pièce ; dans la cuisine, à côté, cuit une soupe qui conclura la soirée - on ne laisse pas partir des amis en pleine nuit le ventre vide.

Cinq rendez-vous se sont succédé cette saison, alternant « Rencontres au coin du cantou » (un écrivain + un ou des musicien(s)) et « Jazz around the cantou » (musique seulement). Cette soirée du 21 avril était entièrement dévolue au Vrak’Trio.

Vrak’Trio - Photo D. Gastellu

Un trio du genre aérien en dépit de la présence d’un tuba. Si léger qu’il volette d’un thème à l’autre : Etienne Lecomte pioche dans ses partitions, décide de commencer par tel morceau du second album, enchaîne sur tel autre du premier puis sur un inédit, baguenaude sur une improvisation, change sa traversière contre une flûte basse, s’écarte pour laisser la parole à ses complices. Eux font assaut de fluidité : Oriol Roca rebondit d’une rythmique à l’autre, colore plus qu’il ne percute, dessine des mouvements d’air plus qu’il ne structure, instrumentiste à part égale avec la flûte ou le tuba. Celui-ci, entre les bras de Laurent Guitton - avec ou sans embouchure, additionné ou pas d’accessoires, comme un petit mégaphone ou le jouet que lui lance Oriol Roca, droit dans le pavillon - dément sa réputation d’instrument lourdingue et promène ses basses profondes d’une improvisation volubile à un jeu de ponctuations comiques, d’une douce mélopée orientale à un déferlement urbain délicieusement saugrenu dans la salle d’une ferme aveyronnaise. Les unissons flûte-tuba jouent sur la disparité des timbres et la simultanéité des souffles, la batterie joue des mélodies - pour qui veut bien lui prêter l’oreille.

L’assistance est à la fois attentive et détendue, comme les musiciens - l’atmosphère du lieu est tellement hors du temps, hors de l’espace aussi, qu’on dépose à l’entrée ses agacements quotidiens. Le rappel, entièrement improvisé à partir de la sonnerie opportune d’un téléphone portable dans la salle, est venu couronner en beauté un concert chaleureux et plein de drôlerie. Et pas du tout en vrac.


L’édition 2011 du festival « Les Nuits et les Jours de Querbes » se déroulera du 12 au 14 août. Le thème, cette année : « Reconduites à la frontière ». On y retrouvera, entre autres, Laurent Guitton sous la casquette de chef du « Grand Taraf de Querbes ».