Wassié & Sourisseau + Läderach
Yene Alem
Eténèsh Wassié (voc), Mathieu Sourisseau (b. gtr), Julie Läderach (cello)
Label / Distribution : Buda Musique
Cela fait maintenant 20 ans que, par la grâce d’une collection lancée par Francis Falceto chez Buda Musique, l’Éthiopie s’est retaillé une place digne de ce nom dans le monde de la musique.
Pour autant, si les années d’oubli sont maintenant en partie compensées, il est rare que l’on s’aventure bien loin du versant par lequel ce pays s’est principalement fait connaître : la première moitié des années 70, période dite du Swinging Addis, durant laquelle le pays s’exprimait surtout dans les traces chaloupées dessinées par la soul-musique américaine. D’autres genres de splendeurs sont pourtant à portée d’oreille.
Et nos premiers défricheurs, plus aventuriers que rentiers, nous en présentent d’ailleurs depuis longtemps, Buda Musique ayant déjà mis en lumière Alemu Aga et la Harpe du roi David, les œuvres pour piano d’Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou ou le Takkabel ! de Mohammed « Jimmy » Mohammed accompagné par l’immense batteur Han Bennink.
Ou encore Eténèsh Wassié dont sort aujourd’hui le troisième album Yene alem.
Chanteuse issue de la la tradition des azmari – grosso modo l’équivalent éthiopien des griots – de par son compagnonnage, d’abord avec la troupe du Tigre (des platanes) puis, exclusivement, avec Mathieu Sourisseau, elle s’acoquine depuis maintenant dix ans avec le free-jazz abrasif comme avec les savantes et jouissives dissonances et autres compositions de bruits blancs.
Le duo est renforcé, pour ce nouveau disque, de la violoncelliste Julie Läderach qui offre un contrepoint peut-être plus lyrique mais tout à fait dans le registre d’élégance âpre qu’offre la basse acoustique de Mathieu Sourisseau.
Le trio se présente dans des atours dépouillés mais empreints de solennité. Dans ce cadre un rien austère de sons boisés jusque dans les crissements, se déploient pourtant de multiples atmosphères que peut épouser, toujours à propos, la large palette vocale et émotive de la chanteuse. Elle étreint les cœurs dans la gravité sentimentale bercée de coups d’archets déchirants sur « Minjar », hypnotise en se mouvant dans les entrelacs en boucles étranges de l’éthio-blues de « Tezeta », se révèle presque angoissante au milieu de l’urgence nerveuse de « Sew Netu » ou encore enfièvre les brûlantes transes syncopées de « Dera ».