Scènes

L’ONJ Olivier Benoit au Carreau du Temple

Après une merveille de premier disque, la perspective de voir l’ONJ ce 26 juin 2014 au tout nouveau Carreau du Temple - où il a établi sa résidence - était alléchante. Au risque d’éventer l’éventuel suspense, force est de constater qu’il tient toutes ses promesses sur scène.


Après une merveille de premier disque, la perspective de voir l’ONJ au tout nouveau Carreau du Temple à Paris - où il a établi sa résidence - était alléchante. Au risque d’éventer l’éventuel suspense, force est de constater qu’il tient toutes ses promesses sur scène.

Le passage de témoin est encore tout récent mais il est d’ores et déjà entendu que l’orchestre d’Olivier Benoit a réussi à succéder brillamment à celui de Daniel Yvinec, qui fut pourtant de fantastique facture.

Dans cette salle injustement clairsemée sur ses ailes et ménageant quelques places avec vue sur le piano, on se familiarise vite avec le sublime, on le tutoie, on le touche même. Souvent. Et dès les premières notes, dignes des répétitifs américains, se répand l’arôme hypnotique d’In C (Terry Riley). Puis le son s’étoffe à mesure que trombone, clarinette et violon s’associent.

Enfin l’ensemble se met en branle tandis que sur le podium, aux côtés des batteur et bassiste (Eric Échampard et Bruno Chevillon), le nouveau maître d’œuvre surplombe et opine. Sous la structure solide bout un chaos épileptique qui par moments déborde de la scène et recouvre les motifs alignés de brusques allers et retours sur la gamme. Et le moindre des miracles, ici, n’est pas que ce chaos jamais ne se disperse, mais qu’il avance impitoyablement, emporté par la métronomie « panzérienne » d’une rythmique tenue de manière impressionnante.

Fabrice Martinez, photo Hélène Collon

Même lorsque Sophie Agnel explore son piano préparé en tous sens et sons (cordes frappées bien sûr, mais aussi griffées, frottées, violentées, libérées ?) et que ce dernier vibre sous les clusters (le chroniqueur est aux meilleures loges), on ne dévie pas du chemin, c’est seulement la musique qui s’étend. Quelle que que soit la configuration, on a le sentiment que chaque instrumentiste a, à un moment ou à un autre, toute la place pour se développer librement, mais que dès que la situation l’exige, chacun reprend promptement et avec aisance sa place dans la mécanique collective. Dans les moments de tension, en regardant Théo Ceccaldi, on se demande si un violon a déjà aussi bien accompagné une guitare nerveuse depuis l’alto de John Cale il y a près de cinquante ans.

Dans l’ensemble, cet art d’alterner et même de faire cohabiter le motif et la digression est remarquable. S’y associe une puissance de son qui renverrait un bon paquet de groupes dits rock aux aimables douceurs salonnardes. Une puissance qui vous plaque au sol tel le soleil écrasant qui dardait ses rayons sur les Déserts varésiens. Textures, volumes, structures, tout est convoqué dans cette rencontre aussi belle et libre qu’implacable. Une mécanique précise et libre, construite comme une cathédrale et puissante comme un éboulement.

L’ONJ Olivier Benoit, photo Hélène Collon

par Aymeric Morillon // Publié le 21 juillet 2014
P.-S. :

Olivier Benoit (g, comp, dir), Bruno Chevillon (b), Jean Dousteyssier (cl, bcl), Alexandra Grimal (ts, ss), Hugues Mayot (as), Fidel Fourneyron (tb, tu), Fabrice Martinez (tp, flh), Théo Ceccaldi (vln, avln), Sophie Agnel (p), Paul Brousseau (kb), Eric Echampard (dms)