Zoh Amba
Sun
Zoh Amba (ts, g), Lex Korten (p), Caroline Morton (b), Miguel Russel (perc)
Label / Distribution : Smalltown Supersound
Préférant le terme spontané, à celui, sans doute plus aliénant pour elle, de free jazz, doux paradoxe, la saxophoniste Zoh Amba n’a pas fait mentir nos pronostics. Quelques années après Bakhti, un album mondialement célébré, la jeune femme du Tennessee n’a cessé de faire parler d’elle. Avec Chris Corsano ou lors d’un solo remarqué en Italie, Amba impose une vision d’un monde revenu à l’état de nature : impulsif, impitoyable et en même temps capable de douceur, comme l’affirme « Interbeing » où le cri du saxophone se modère au contact du piano intransigeant de Lex Korten, jeune New-yorkais aperçu avec Tyshawn Sorey. Ce morceau est un cri habillé d’une forme de candeur, une naïveté apte à tout chambouler. Une définition de la spontanéité.
Le quartet qui accompagne Zoh Amba sur Sun est entièrement conçu à sa main et embrasse la philosophie animiste de la saxophoniste, où la révérence au soleil où à la Terre font office de spiritualité. Ainsi, « Forevermore » et le travail sur les peaux du percussionniste Miguel Russell édifie un pinacle où Amba convoque ses esprits sains, de Coltrane à Pharoah Sanders. C’est pourtant le paradigme aylerien qui est le plus souvent invoqué sur un album qui sait jouer avec le feu ou veiller sur les braises (« Seaside »). C’est notamment sensible sur « Fruit Gathering », le morceau d’ouverture où les traits d’archet de la contrebassiste Caroline Morton proposent un habillage serein aux hymnes nerveux, teintés d’un léger tremblement, de Zoh Amba. C’est toute l’ambivalence créative de la saxophoniste qui est ici exposée et qui rend sa musique particulièrement magnétique. Morton est la découverte de ce quartet.
Zoh Amba sait nous prendre à rebours pour ordonnancer son propos. C’est ainsi qu’avec « Champa Flower », elle troque son ténor pour une guitare sèche et une mélodie folk soulignée par les percussions. Une façon aussi de décréter une pause, une clairière sereine dans un monde impétueux. Peu après, avec « At Noon » où le saxophone évolue dans un bourdon entêtant, c’est une autre forme de quête à laquelle nous sommes conviés, celle d’un silence médité mais absent ; un recueillement qui nous rappelle aussi qu’un des grands modèles d’Amba est Wadada Leo Smith. La jeune femme s’inscrit dans une tradition riche et respectée.

