Comme un calendrier de l’avent à l’envers, ou plutôt hors du temps, la harpiste Jacqueline Kerrod nous propose d’ouvrir chaque jour une fenêtre. L’exercice est à mi-chemin entre le journal intime et le carnet de bord d’un abandon total à l’instrument ; il commence dès « Trill to Begin », morceau du premier décembre où les boucles permettent à la soliste de broder, de construire, d’interférer en plusieurs chemins qui avancent un peu plus loin, en cercles concentriques. Puis le 14 décembre, « Broken : in 3 » joue un tout autre scénario, plus tranchant et morcelé. Chaque jour est différent et recommencé, comme un tableau noir qu’on efface consciencieusement. Dans cette multitude, se dégage un portrait. Le sien.
On le sait, notamment avec le travail de Julie Campiche sur le solo, la harpe, débarrassée de ses clichés et de ses faux-semblants, est un magnifique champ d’expérimentation, dont la préparation et l’électrification peuvent étendre le propos quasiment à l’infini. Des cordes lestées d’objets jusqu’aux nappes inquiétantes de « Rust in Blow », dédié au 29 décembre, toutes les directions sont bonnes à prendre. On sait Jacqueline Kerrod très impliquée dans la musique contemporaine (Tristan Murail notamment), mais aussi dans le domaine de la pop music, avec des artistes comme Anthony & The Johnsons. Un morceau comme « Strummed II » et son climat très travaillé, où à l’inverse la fine mélodie de « Gentle Jangle », en témoignent parfaitement.
Découverte dans ces pages grâce à son duo avec Anthony Braxton, la harpiste sud-africaine livre avec 17 days in December un disque très personnel qui nous embarque dans tous ses univers. Conçu durant les différents épisodes pandémiques, c’est à un véritable travail sur soi et sur sa propre musique intérieure que nous assistons, découpé en jours pour mieux en contrôler les césures. Jacqueline Kerrod montre, dans multitude de ces miniatures quotidiennes, à quel point elle est à l’aise sur tous les terrains. Peu surprenant, dès lors, que Braxton en ait fait l’une de ses indéboulonnables compagnes de route dans la Zim Music… Sans doute parce que « Chatterbox », pour le jour de l’hiver, s’aventure sur une esthétique halvorsonienne. Mais surtout parce que Kerrod à toutes les qualités d’une virtuose : la simplicité et la multiplicité des émotions.