Portrait

André Minvielle, poète gasconcubin

Portrait du chanteur et acrobate des mots.


Photo © Frank Bigotte

Invité par le pianiste “grand format” Jean-Marie Machado, il s’empare de la langue en folie de Boby Lapointe.

Y a-t-il beaucoup d’artistes que l’on retourne voir en concert régulièrement et que l’on redécouvre à chaque fois ? J’en connais au moins un, c’est Dédé. Dédé le Béarnais, lou Dédé Minvielle, le poète gasconcubin né une deuxième fois à Uzeste grâce à Bernard Lubat. Uzeste musical, Uzeste tropical, l’homme qui “fout le contact”, l’homme qui suivait l’accent, le lecteur d’Henri Meschonnic et du Dictionnaire des onomatopées de Charles Nodier, le passionné de micromécanique musicale (les pygmées Aka, Ligeti, Schönberg…). Je pourrais continuer comme ça assez longtemps à lancer des mots qui n’évoquent rien pour ceux qui n’auraient jamais vu ni entendu notre homme.

Reprenons : André Minvielle est la générosité faite musique. Au fil du temps et des rencontres, il s’est façonné un monde sonore qui permet aux bienheureux présents lors de ses concerts de ne pas avoir à choisir entre fromage et dessert, de partir à la montagne avec leur maillot de bain, leur marmaille à promener dans les chemins, leur parapente, leurs claves, leurs pelles et leurs seaux. Cet homme est capable d’évoquer la mondialisation, les OGM, la découverte du Nouveau monde et les courges devenues instruments de percussion dans un poème sonore bilingue qu’il traduit lui-même au fur et à mesure. Cela s’appelle Lagenaria - c’est le nom d’une cucurbitacée dont l’espèce la plus connue est la calebasse, vous me suivez ?

André Minvielle © F. Bigotte

Invité par le pianiste “grand format” Jean-Marie Machado, il s’empare de la langue en folie de Boby Lapointe et atteint des sommets d’émotion dans un hommage inédit intitulé “Le vivant" [1].

Comble de bonheur, il a publié deux “directs” du gauche, deux enregistrements de concerts, l’un en solo à Montreuil face à des enfants (mais face à lui, nous le sommes tous), l’autre en duo avec l’accordéoniste Lionel Suarez qui, pauvres de nous, a quitté le Tandem qu’il a enfourché quelques années avec Dédé. Ecoutez « L’Esquinade », ode à la cuisine méditerranéenne be-bop, vous m’en direz des nouvelles.

Et puis il y a Marc Perrone. Impossible d’évoquer l’un sans l’autre. L’émotion qui saisit à l’écoute de leurs duos n’a pas d’égale. Leur fête a toujours un goût de nostalgie, leur tristesse est légère comme un sac plastique. Quand ils reprennent « Esperanza l’aranesa » aux Bouffes du Nord (Festival La Voix est libre), le public se lève pour danser, comme un seul homme. “Chauves power !” comme dirait Andy Emler.