Chronique

Andromeda Mega Express Orchestra

Take Off !

Dirigé par le jeune et talentueux clarinettiste allemand Daniel Glatzel, l’Andromeda Mega Express Orchestra, ce Big Band berlinois de vingt pièces [1] trouve avant tout sa motivation dans une jubilatoire volonté de ne pas se laisser enfermer par la taxidermie des étiquettes musicales.

L’album Take off ! est avant tout celui d’un big band de jazz qui se transcende sur scène. La vitalité des soudaines explosions free, comme des bulles de savon qui éclatent, ou les cascades du vibraphoniste Karl Ivar Refseth sont des jeux constants avec les codes, sans que cela tourne jamais à la pochade. Le bouillonnant « Radioactive People », où s’illustrent tout autant le guitariste Kalle Zeier que l’impeccable section de cordes, témoigne d’une belle énergie.

L’univers du premier album de l’AMEO [2], qui emprunte son esthétique aux films de science-fiction et apporte un soin tout particulier au graphisme [3] fourmille au détour de chaque mesure de références et de clins d’œil, de fausses pistes et d’idées foutraques et cartoonesques : on pense assez vite à Zappa.

Car l’AMEO fait farouchement virevolter sa musique au gré des inspirations, quand bien même l’héritage zappaïen tendrait à devenir à lui seul une marque de fabrique galvaudée. Mais Glatzel ne semble pas nier cette influence. Elle est patente dans les arrangements de « Gamma Pluto Delta », qui ouvre l’album. Cependant, le jeune compositeur, à l’instar d’un Fred Pallem en France, revendique et maîtrise maintes autres inspirations dans une démarche proche de l’actuel Sacre du Tympan.

« Seconde école viennoise » de Berg et Schoenberg, frivolité de la « library music » des années 60 et 70, grands compositeurs de musique de film… jamais ces influences ne viennent en surplomb les unes des autres ; au contraire, elles tentent de trouver un langage commun dans une stratégie d’empilement mosaïque. La constante recherche d’une esthétique propre à ce groupe très apprêté se situe parfois aux limites de la cohérence. Toutefois, cela n’entrave en rien l’impétuosité et le plaisir communicatif de ces jeunes musiciens dirigés par un compositeur-arrangeur-déconstructeur talentueux, dont le travail est justement de garder le cap au fil d’un propos plein de promesses. Il suffit de quelques notes pour avoir envie de décoller avec eux.


D. Glatzel (ts, cl, bcl), L. Mourot (fl), O. Roth (fl), S. Hägele (basson), J. Schleiermacher (bs, ts), Aki S. Ruhl (tp, flh), M. Schriefl (tp, flh), G. Gschlössl (tb), M. Lonson (vl), J. Gerhard (vl), M. Phongphit (vl), J. Pennetzdorfer (vla), M. Stukpa (vla), Ch. Jacke (cello), I. Klemt (cello), K. Ivar Refseth (vib), A. Viechtl (hp), K. Zeier (g), A. Waelti (b), A. Haberl (dm)

par Franpi Barriaux // Publié le 23 juillet 2010

[1Si le groupe est basé en Allemagne, les membres de l’orchestre viennent des quatre coins du monde, de la France à la Corée et de l’Allemagne à la Suède.

[2Qui a déjà enregistré un album en tant qu’accompagnateur du groupe pop The Notwist.

[3Le concepteur de la pochette, Heinning Wagenbreth est mondialement reconnu.