Chronique

Anna Högberg Attack

Anna Högberg (as), Elin Forkelid (ts), Niklas Barnö (tp), Lisa Ullén (p) Elsa Bergman (ba), Anna Lund (dms)

Label / Distribution : Omlott Records

On n’ira pas jusqu’à dire que tout ce qui vient de Suède est remarquable sans distinction, mais la vérité n’est pas très loin ; disons que dans le champ de nos musiques, c’est le contraire de Shakespeare avec le Royaume du Danemark : il n’y a rien de pourri [1]. C’est Anna Högberg, saxophoniste torride, qui nous le confirme. Membre du Fire Orchestra ! et Pan-Scan Ensemble, la jeune femme s’est entourée pour le second album de son sextet Attack, composé de membres de l’orchestre de Mats Gustafsson, à commencer par le trompettiste Niklas Barnö, impressionnant dans « Pappa Kom Hem », premier long morceau à rebondissement qui s’ouvre sur la hargne d’Hogberg résumée en un cri ; le reste s’ordonne un peu plus calmement, notamment dans le jeu à touche-touche avec l’alto d’Elin Forkelid qui joue sur l’autre canal, ainsi que grâce au piano de Lisa Ullén, dont les deux mains sont des assises très solides.

C’est ce qui permet à Högberg de s’exprimer. Ainsi « Dansa Margit », tendu comme un arc, lui offre l’occasion de faire monter une pression qui se termine en un tutti d’où émerge la trompette. Il y a là une force inébranlable aiguillée par une mécanique de précision. Ce n’est pas à proprement parler un grand format, mais cette passementerie particulière, cette joie de malaxer la pâte sonore font merveille, surtout avec la rigueur rythmique d’Elsa Bergman à la contrebasse et d’Anna Lund à la batterie. L’énergie est ici bien moins rock que dans Fire !. L’idiome est ici davantage celui d’un Coleman, mais dans une lecture très moderne, tel qu’on le trouve en France chez Yoram Rosilio et peut-être même davantage Paul Wacrenier. Ce qui compte ici, c’est le collectif, même si les échappées sont nombreuses.

Dans « Parlemör », c’est le piano qui mène la troupe. Ullén à la main gauche puissante, qui sait faire tourner les soufflants comme des volutes de fumée ; à ce jeu, le jeu très pointilleux de Barnö est une navette idéale, sur lequel chacun s’enroule. La pianiste sait également jouer très doux, ralentir la machine. Profiter à l’envi des subtils échanges entre les deux saxophonistes dans lesquels s’emmitoufle la contrebasse. Anna Högberg laisse beaucoup de place à ses compagnons, dans une direction envisagée comme très égalitaire. Lena est un disque plaisant et chaleureux, qui révèle et confirme de grand talents scandinaves. A écouter d’urgence, donc.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 octobre 2020
P.-S. :

[1Ou peut-être Ah-Ha, mais c’est vieux, il y a prescription.