Chronique

BFG (Bex, Ferris, Goubert)

Now Or Never

Emmanuel Bex (org), Glenn Ferris (tb), Simon Goubert (dms).

Label / Distribution : Naive

On pourra penser ce qu’on voudra et débattre à l’infini sur la vie et la mort du jazz, quand une fièvre aussi contagieuse gagne trois musiciens tels qu’Emmanuel Bex, Glenn Ferris et Simon Goubert, on se dit que cette musique vaut la peine d’être vécue et que les pisse-froid n’ont qu’à remballer leurs aigreurs !

Douze ans après la naissance de leur trio, au Sunset, à Paris, le temps d’un concert mémorable et, quelque temps plus tard, d’un Here And Now, déjà publié (chez Naïve), salué comme il le méritait, puis récompensé par de nombreux prix, les trois artificiers nous reviennent en pleine forme. Comme si ces douze années étaient passées dans un souffle, probablement celui de leur inspiration commune.

Tout recommence au New Morning (Paris), en janvier 2013, par un concert dont le climat est si enthousiaste qu’il suggère aux musiciens l’idée d’un nouveau disque : par son titre, on comprend que Now Or Never s’inscrit dans la continuité du précédent, un peu comme faisaient les Surréalistes avec leurs cadavres exquis. Enregistré en juin (encore au Sunset), il donne donc à entendre le meilleur du trio, que ce soit sur les compositions originales – chaque musicien en ayant déposé deux dans la corbeille – ou sur les reprises - ici Thelonious Monk pour « Blue Hawk » et Paul Desmond pour le planétaire « Take Five » [1]. Capté au plus près des musiciens, Now Or Never est un fascinant hymne au groove, à l’art de la conversation entre gens d’excellente compagnie. On connaît le drumming à la fois spirituel et foisonnant de Simon Goubert ; on sait que Glenn Ferris est un tromboniste de l’éclat et de la gourmandise mélodique (il a peut-être contracté le virus autrefois chez Henri Texier), et le rayonnement solaire d’Emmanuel Bex n’est plus à démontrer. Unissez ces trois forces et vous obtenez un disque enchanteur, une sorte de coup parfait, la démonstration de ce qu’est une musique vivante, charnelle et organique, animée d’une vibration puissante. Écoutez donc, par exemple, le pulpeux « Light’n’Up (If You Can) », signé Glenn Ferris ; vous nous en direz des nouvelles !

Now Or Never est sculpté dans l’émotion et fourmille d’une myriade de frémissements qui sont la vie même du jazz. Il donne aussi envie de demander à ces trois artistes de ne pas attendre douze ans pour nous procurer une troisième dose de plaisir.

par Denis Desassis // Publié le 10 mars 2014

[1Ce qui rappelle la version d’anthologie figurant sur Haïti, premier album de Simon Goubert paru en 1991 chez Seventh Records ; le batteur y recevait le soutien du saxophoniste Steve Grossman. Quinze minutes en état de grâce à redécouvrir d’urgence.