Chronique

Lionel Martin

Solo

Lionel Martin (saxophones, prises de son, montage), Robert Combas (peinture, mandole, guitare, pinceau).

Label / Distribution : OUCH !

« Énergies multipliées. En plein Covid, essayer de chanter, jouer comme un guerrier ». Telle est la note d’intention de cette seconde aventure de Lionel Martin, seul ou presque avec ses saxophones qu’il a choisi d’embarquer avec lui dans la vraie vie. Solos, le premier volet paru en 2020, impressionnait déjà par sa capacité à embrasser, à la manière d’un combat en musique, des paysages réels aussi différents les uns des autres qu’un pont à Goussainville, le quai d’une station de métro parisien, un champ de la Beauce ou un bord de Loire. Lionel Martin y campait sa propre planète et nous rappelait la dimension, militante et organique à la fois, d’un travail de fond, fruit des nombreuses expériences qui l’avaient précédé. Avec Solo, il en va de la même histoire. Il faudrait presque échafauder le concept d’une musique ouvrière ou d’un chant de l’artisanat. Artisan, le saxophoniste l’est assurément et selon l’acception la plus noble du mot. Il porte un soin extrême à la fabrication des sons qu’il forge en superposant ses instruments aux ambiances de lieux captés en pleine action : une usine de métallurgie, une ferme et ses trayeuses automatiques, des métiers à tisser dans un atelier de soierie, un moulin au moment de la transformation du grain en farine. Plus propice à la contemplation est la fontaine d’un jardin ou bien encore le vol de goélands (gabians) aux alentours de Sète, pour nous signifier que la nature reste une source première d’inspiration, essentielle. Sans oublier le bruit des pinceaux dans l’atelier du peintre Robert Combas, pleinement associé à cet album, pas seulement parce qu’il en signe une fois encore le visuel, mais aussi parce qu’il y joue de la guitare et de la mandole.

Disque de labeur et de sueur, Solo n’en distille pas moins une forme latente de joie, portée par une soif de vie qui suinte par le moindre de ses pores. On peut assurément qualifier sa musique de charnelle et dire que ses accents sériels ont quelque chose d’envoûtant par le mystère qu’ils transportent.

En guise de cadeau supplémentaire, l’humanité profonde qui habite Solo est parfaitement mise au jour grâce au travail de notre ami et collaborateur Christophe Charpenel, invité par Lionel Martin sur les lieux où se sont déroulées les captations sonores, là où la matière première de ses compositions a été extraite comme un minerai. Un très beau petit livre de 55 pages est né de cette association, Metaformes.

Voilà donc sous nos yeux et nos oreilles deux approches singulières, l’une musicale l’autre visuelle, intimement mêlées dans une union artistique dont la force est de celles qui vous donnent envie de croire à une vieille idée, bien trop souvent oubliée en nos jours gris, celle de la solidarité.