Scènes

Banlieues Bleues s’ouvre en fanfare

Le festival Banlieues Bleues entame sa 32e édition avec deux orchestres de légende.


Vendredi 20 mars 2015, à l’espace 1789 de Saint-Ouen, Banlieues Bleues entamait sa 32e édition avec deux orchestres de légende, The Strata-East All Stars et The Sun Ra Centennial Arkestra.

La soirée d’ouverture du festival est toujours un événement très attendu. Elle accompagne souvent le retour des beaux jours (et des festivals), et donne le pouls de la manifestation dionysienne. Le public ne s’y est pas trompé, qui est venu en nombre. D’autant que le programme est appétissant. Banlieues Bleues met à l’honneur le mythique label indépendant américain Strata East, coopérative de musiciens fondée au début des années 1970 par le trompettiste Charles Tolliver et le pianiste Stanley Cowell. Ce label produira une soixantaine de disques, notamment de Pharoah Sanders, Charles Rouse, Clifford Jordan ou Gil Scott-Heron.

Au sein du Strata-East All Stars, on retrouve, outre Tolliver et Cowell, le contrebassiste Cecil McBee, le batteur Alvin Queen et la chanteuse Jean Carn. On retiendra le son, la classe et la sobriété de McBee, particulièrement à son avantage et auteur de très beaux solos sur deux compositions personnelles, mais aussi « Travelin Man », un blues de l’espiègle Stanley Cowell au marimba puis au piano. Cowell improvise des paroles, soutenu par les vocalises de Jean Carn et les fulgurances de Tolliver à la trompette. Le concert est bien rodé, un peu trop peut-être - un show à l’américaine avec sourires, clins d’œils et grosses ficelles (le solo aguicheur d’Alvin Queen, qui se retourne sans cesse vers la caméra qui le filme, les minauderies incessantes de Jean Carn). Mais ces musiciens sont si rares en France, que le public ne leur en tient pas rigueur et applaudit à tout rompre.

Changement de plateau. Place au Sun Ra Centennial Arkestra, emmené par le vétéran Marshall Allen (90 printemps tout de même) et réuni pour les cent ans de la naissance de Sun Ra. Vêtus de leurs célèbres costumes bariolés et coiffés de couvre-chefs tous plus loufoques les uns que les autres, les onze membres de l’Arkestra font revivre la musique du gourou cosmique à grands coups de tubes. Le public est en liesse. Le big band tourne comme une horloge suisse. La rythmique est dense et enlevée. La section de cuivres envoie du gros son. Les musiciens passent d’un instrument à un autre. Mention spéciale au saxophoniste ténor James Stewart, dont les chorus puissants et habités m’ont particulièrement enchanté. Le concert se clôt sur « Space Is The Place », hymne de l’Arkestra. Les souffleurs entament une déambulation dans les tribunes. Ambiance survoltée. Certains spectateurs dansent, d’autres tapent dans leurs mains. Les musiciens s’éclipsent un à un dans les coulisses, la musique s’éteint peu à peu. Voilà un festival qui commence sous de bons augures, la tête dans les étoiles.