Scènes

Blowing Thrill et Kneebody au Pannonica

Deux groupes pour cette soirée nantaise, un américain et un français, l’un déjà expérimenté, l’autre beaucoup plus jeune, pour deux univers bien différents.


Deux groupes pour cette soirée nantaise, un américain et un français, l’un déjà expérimenté, l’autre beaucoup plus jeune, pour deux univers bien différents.

Le premier sur scène, Blowing Thrill, est issu de la scène locale, et plus précisément du collectif 1name4acrew dont Sidony Box est la figure de proue. On y retrouve d’ailleurs le saxophoniste de ce trio, Elie Dalibert, cette fois avec Gweltaz Hervé au saxophone, Émeric Chevalier à la basse électrique et Fabrice L’houtellier, autre membre de 1name4crew, à la batterie. Un quartet tout neuf qui n’a que quelques concerts à son actif et joue une musique tendue, bourrée d’énergie. Portés par un batteur puissant et un bassiste impressionnant, les deux sax entremêlent leur lignes complexes. Malheureusement, le dispositif scénique très resserré (prévu pour Kneebody) ne facilite pas la lisibilité de leurs lignes, et fait naître une certaine frustration chez le spectateur. Cependant, dès que Dalibert ou Hervé se lancent dans un solo, on gagne en clarté d’écoute et on apprécie à sa juste valeur leur musique très contemporaine. Ces quatre musiciens sont doués et il est probable que moyennant une histoire commune plus longue et des conditions d’écoute plus adaptées, ils trouveront un équilibre et affineront l’originalité de leur propos. A suivre donc.

Blowing Thrill © Michael Parque

Kneebody, qui sévit depuis une douzaine d’années, propose aujourd’hui (après neuf albums dont trois live) The Line, le premier à paraître sur une major (Concord) et donc à bénéficier d’une véritable promotion. C’est aussi la première fois que le quintet entreprend une tournée d’une telle ampleur ; débutée fin septembre à travers les États-Unis et l’Europe, elle se poursuit jusqu’à mi-novembre. Sa musique est un mélange très actuel de free bop et de rock teinté d’électro. Ce qui sur disque, peut paraître parfois un peu trop léché, livre en concert toute sa saveur : subtilité des phrases, précision de l’écriture et de l’interprétation sont enrichies par un côté plus « sale » et distordu, le grain de folie et le surplus de chair qui peut manquer sur les albums. Le résultat irradie une énergie incandescente, et le plaisir que semblent prendre les musiciens malgré la durée de cette tournée permet à la salle de pénétrer son univers avec délectation, à en juger par les hochements de têtes et les applaudissements enthousiastes.

Kaveh Rastegar/Kneebody © Michael Parque

À chaque présentation de morceau le bassiste Kaveh Rastegar en profite pour placer une anecdote ou un bon mot dans un mélange d’italien, de français et d’anglais. Les membres de Kneebody démontrent un sens du spectacle associé à une grande décontraction typiquement américain ; on y sent néanmoins une sincérité parfois absente des prestations trop rodées de certains de leurs compatriotes… Impression confirmée quand, à l’issue du concert, après deux rappels jubilatoires, ils descendent discuter dans la salle, disponibles. Ben Wendel en personne vient vers nous échanger sur le concert, exprimer sa surprise de constater que peu de spectateurs ici présents les connaissaient avant ce soir, mais sont quand même venus par curiosité - situation difficilement imaginable aux États-Unis où, selon lui, sans Grammy Award ou apparition au classement de DownBeat, les gens ne se déplacent pas. Cette décontraction transparaît aussi dans un petit moment de magie : Adam Benjamin s’installe au piano (rangé derrière un paravent de la scène) et joue du Monk pendant dix minutes, en solitaire. Wendel nous explique que, tous les soirs, c’est sa manière à lui de redescendre sur terre. Nous profitons de cette aubaine.