Chronique

Boiron - Chevillon - Gastard

Baptiste Boiron (ss, as, ts), Bruno Chevillon (b), Frédéric Gastard (sax basse).

Label / Distribution : Ayler Records/Orkhestra

On sait qu’on peut toujours compter sur Stéphane Berland dès lors qu’il s’agit d’étonner. Et pour celles ou ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur le soin méticuleux qu’il porte depuis de longues années à son cher label Ayler Records, recommandons l’article écrit par notre camarade Nicolas Dourlhès ici même. Si le label a connu quelques difficultés il y a peu – on croise les doigts pour que cette belle histoire continue - on peut être rassuré, tant sa nouvelle référence sonne comme un manifeste d’exigence et de ferveur emblématique de cette maison. Cette fois, il s’agit d’un double album enregistré par un trio acoustique dont le leader est un saxophoniste et clarinettiste, formé à l’école classique comme à celle des musiques improvisées ou traditionnelles, Baptiste Boiron. On le trouve ici, mais en réalité il faut dire , en excellente compagnie, celle de Bruno Chevillon (contrebasse) et Frédéric Gastard (saxophone basse).

Compositions originales aux titres souvent en forme d’anagrammes pour rendre hommage à quelques musiciens inspirateurs (vous trouverez vous-même les solutions, ce serait dommage de spoiler), quelques reprises aussi (Duke Ellington, Keith Jarrett et John Coltrane), tel est le programme de . Un titre aussi court que la musique est riche, délicatement sinueuse et recueillie. Tout de suite, on est emporté dans un subtil tourbillon aux formes chambristes, incertaines et imprévisibles (quel bonheur de ne pas tout savoir à l’avance !), on goûte les interactions, l’obstination du saxophone basse (une performance), le lyrisme de la contrebasse qui sait être source de pulsation mais aussi suggérer dès que possible une mélodie, au besoin à l’archet : ainsi sur les magnifiques reprises – car deux versions en sont proposées – de « Lonnie’s Lament ». Porté par la tension / l’attention de ses partenaires, Baptiste Boiron laisse poindre une émotion constante, entre retenue, engagement et plaisir des joutes. Il y a chez lui une forme évidente de romantisme, sans les trémolos, mais avec un regard qui scrute les audaces et ne cesse de s’étonner de ce qu’il est possible de réaliser dans un microcosme aussi fécond. Il sait attendre son tour, joindre sa voix aux deux autres, relancer l’échange et piquer au vif la curiosité de ses partenaires. On comprend alors que la rigueur de l’écriture est aussi la plus belle des portes ouvertes sur l’imagination collective.

Et puis, il faut souligner l’élégance de la robe : le beau livret cartonné dont l’esthétique doit beaucoup au talent de Stéphane Berland lui-même, rehaussée par la pertinence des notes, sous la plume avertie de celui dont recommandions l’article au début de cette chronique.

En musique, être ou ne pas être, comme dirait ce bon William : n’est pas la question. Plutôt une réponse, et une belle !