Entretien

Bojan Zulfikarpasic

Les racines de l’olivier

« J’avais évoqué dernièrement, sous l’effet conjugué d’un méchant coup de cafard et d’une colère à peine contenue, les « événements » (comme on dit…) qui ont lieu en ce moment même dans les Balkans. Je ne croyais pas si bien geindre…

Bien entendu, ce ne sont pas les circonstances internationales qui ont motivé une telle couverture, mais bien les qualités du musicien.

Pourquoi, un tel numéro ? D’abord parce que l’année passée, nous avons été très impressionnés par les prestations de Bojan Zulfikarpasic, tant en leader qu’en sideman. Ensuite, parce qu’il possède un jeu très personnel, qui nous ravit. De plus,
comme nous ne décernons ni choc, ni victoire, ni Django, ni machin, que nos émois sont permanents et non-académiques, nous préférons de loin cette manière de fonctionner. Tout un
numéro ! Eh oui !, mais que voulez-vous, il avait des choses à dire, nous à lui demander. Sa musique, il nous fallait l’expliquer. Et les disques, lesquels choisir ? Et le bonhomme, qui est-il
vraiment ? Et puis, nous savons aussi que sa musique, et celle qu’il joue ailleurs, sert de passerelle entre les terres variées de la musique radio-télédiffusée et la Terrae Jazzae Incognita.
Dont acte.

Et si nous pouvions déclencher une bojanmania, tant mieux. C’est l’arbre qui cache la forêt !

L’olivier en quelque sorte. Sauvage, bien sûr, sans frontière. »

(Edito du numéro spécial Bojan Z de So What, mai 1999)


- Le hasard du calendrier fait que cette interview pour So What a lieu exactement trois ans après notre première rencontre.

C’est exactement mon rythme. Le disque a aussi été fait trois ans après. Cela montre mon rythme de production. Sans préméditation quelconque, les trois disques ont été faits à la même période : à la mi-décembre de chaque année. Deux ans séparent le premier disque du second, et trois ans le second du troisième.

- Votre participation active, cette année, à de nombreux projets différents a motivé notre désir de vous consacrer cette couverture. Vous avez été leader pendant quelques années, et depuis peu, vous apparaissez souvent comme sideman.

En effet, c’est comme ça ! Mais j’ai toujours aimé le rôle de sideman. Je n’ai jamais fermé la porte à cela, au contraire. Mais à force de me voir tourner régulièrement avec un groupe (le mien ou celui d’Henri Texier), les musiciens pensent que je n’ai pas le temps de faire autre chose. Donc je suis moins sollicité. A une époque, avant le quartet, je jouais dans une dizaine de groupes. J’étais très dispersé. Je me suis donc recentré sur quelques projets seulement. C’est plus simple pour avancer. Ensuite, au sein du quartette, nous avons l’un après l’autre suivi d’autres chemins et le groupe s’est transformé. Julien Lourau avait le Groove Gang, François Merville joue avec Louis Sclavis, etc. Donc il y a eu des remplacements et, du coup, les nouveaux musiciens ont transformé la musique du groupe. De nouveaux horizons se sont ouverts. Même si le quartette porte mon nom, il s’agit vraiment d’un groupe avec des interactions entre musiciens, comme un workshop. Et à chaque remplacement, tout se passait bien, preuve que le travail de groupe fonctionnait !

- Quels ont été les remplacements ?

Julien a été remplacé par Simon Spang-Hansen puis par Vincent Mascart. François était remplacé par Daniel Bruno-Garcia ou Christophe Marguet, et Marc Buronfosse par Jules Bikoko.

- Le groupe d’origine s’est un peu trouvé en veilleuse à un moment ?

Oui et non. Je savais que cela ne durerait pas. Musicalement j’ai aussi cherché de nouvelles directions. Nous sommes restés longtemps ensemble. Le fait de jouer avec Henri Texier a aussi permis ces changements.

- Mais la musique du groupe restait la même quels que soient les musiciens ?

Oui. Je voulais d’abord que chaque musicien se sente à l’aise avec les rythmes et les mélodies, pour ne pas avoir le nez dans les partitions. Cela se passait bien et la musique n’était pas trop fixée, et chacun pouvait proposer des trucs. Je proposais des remplacements en fonction des affinités des musiciens avec cette musique. Je prenais des précautions.

- Est-ce que le travail orchestral, en grande formation, vous tente ?

Oui, bien sûr… Je viens d’ailleurs d’obtenir un résidence de trois ans à Coutances, à Jazz sous les Pommiers. C’est un projet intéressant que l’on m’a proposé. Il me faut préparer un dossier, trouver des idées. Je sais que je vais avoir des moyens et que je vais pouvoir travailler avec beaucoup de musiciens. Il reste à savoir à partir de combien de musiciens cela s’appelle un big band ! Je vais enseigner, faire des concerts et donc pouvoir créer un gros projet. Il me faut découvrir quels sont les musiciens qui vivent et jouent sur place, les choisir, savoir comment les incorporer au projet,
etc.

- C’est différent des « actions musicales » de Banlieues Bleues où le nombre et les instruments des participants n’étaient pas contrôlés.

Oui, l’orchestre s’est construit en fonction des inscriptions. Et la liste évoluait tout le temps. J’avais déjà vécu une expérience similaire, avec une fanfare locale de cuivres en Franche-Comté. Le genre de groupe qui maintient un lien entre les générations dans les endroits reculés de la campagne. Je m’attendais à trouver des vieux airs traditionnels, un répertoire local… mais ils jouaient des arrangements de Michael Jackson ! Je ne comprends pas d’ailleurs pourquoi il n’y a pas de répertoire local traditionnel - à part les trois grandes cultures corse, basque et bretonne - qui se transmette oralement, qui survive. Cela me paraît très important que chacun porte en soi les marqueurs de sa culture, comme je le fais moi. Il semblerait qu’en France le télévision soit arrivée trop vite dans tous les foyers… Il est content Michael Jackson de savoir qu’en Franche-Comté la fanfare locale interprète ses tubes !

- Avez-vous un penchant particulier pour les musiques traditionnelles ?

Oui… Au départ j’écoutais surtout les stars du jazz : Herbie Hancock, Chick Corea… Puis, en remontant la piste chronologique, on arrive sur les enregistrements de blues du début du siècle. Là, on se rend compte comment tout s’est fixé musicalement à partir de matériaux épars. Et l’on se retrouve en Afrique. Le même phénomène se retrouve en Europe. Dans les Balkans,
particulièrement, il y a l’influence de l’Empire Ottoman. Cet empire était immense et on retrouve dans les endroits de son expansion les mêmes racines. Il y a cet aspect historique et également l’apport des gitans. Ce sont les deux influences majeures des Balkans.Les gitans brouillent vraiment toutes les pistes. Ils savent tout jouer. Peu importe la nationalité de la mélodie. Ce sont des « realbooks » vivants. Ils amènent en plus leur pâte personnelle. J’ai rencontré des Roumains en France, ils peuvent jouer aussi bien Charlie Parker que les danses grecques, serbes ou turques… C’est ça l’attitude jazz, par excellence : l’oreille. L’écrit ne fonctionne que si le musicien sait lire, cela reste un obstacle à la spontanéité.

© So What 1999

- Le projet « Maghreb and Friends » a d’abord été pensé par Nguyen et Karim en studio. Quand ils ont choisi les musiciens, il ont pensé à vous pour le clavier, ce qui nous apparaît évident. Qu’en pensez-vous ?

C’est une très bonne idée ! C’est une bonne expérience. Nguyen m’a appelé pour le disque. Je le connaissais, nous nous étions croisés lors d’un enregistrement avec Michel Portal. Je lui ai alors demandé quels étaient les musiciens retenus. Il m’a parlé de Karim Ziad. Je connaissais son nom, parce que François Merville, au moment de travailler des morceaux avec des rythmiques en 12/8 pour le quartette, m’avait dit qu’il irait voir Karim pour quelques conseils. J’en avais déduit que le bonhomme devait être calé rythmiquement. Quand nous nous sommes rencontrés, cela a tout de
suite collé entre nous. Il comprend parfaitement la musique qu’il joue et surtout, il peut la transmettre avec facilité.

- Quelles sont les correspondances musicales entre le Maghreb et les Balkans ?

Il n’y a pas ces rythmes-là. Nous sommes trop paresseux ! Mais il y a aussi des mesures composées similaires. Par exemple sur « Multi Don Kulti » (Yopla !) c’est un 12/8 hybride. Et là-dessus, il est facile de perdre pied. Même Karim a été déstabilisé ! Pour lui, le premier temps était sur le second. C’est la différence de culture ! Donc, avant de recevoir les partitions de « Maghreb and Friends » j’avais une approche rythmique bien développée. A la lecture des partitions, j’ai eu un petit problème : tout était noté en 3/4. Je ne m’y retrouvais pas, et pour cause car tout était en 4/3 ! (il joue les rythmes). Or, la première chose que je fais, lorsque je travaille une nouvelle partition, c’est de me débarrasser au plus vite de la mélodie et des rythmes. J’ai noté les temps, écouté, réécouté, et je me suis détaché de la partition. Ce projet
a vraiment été un défi rythmique comme je n’en avais pas eu depuis longtemps ! Par ailleurs, il y a dans ce projet l’aspect multiculturel des rencontres de communautés et de musiciens différents. Mais les plus impressionnantes sont les Bnet Houariyat !

- Ce projet continue ?

Oui, il y a une tournée de prévue. Mais ce n’est pas facile de réunir tout le monde en même temps. Nous avons tous des projets différents. Karim tourne avec Joe Zawinul. Le premier concert que nous avons fait en France avec « Magreb », c’était à Angoulême, en première partie de Zawinul. Il avait installé une chaise dans les coulisses, sur le côté de la scène, et pendant tout le concert, il est resté assis, regardant Karim. Ensuite, il l’a engagé !

- Comment se passe le travail avec Henri Texier ?

© So What 1999

Bien. Il a sa manière de fonctionner, mais c’est surtout un homme de scène. Je l’ai vu sauver des concerts à lui seul, car il savait quoi faire. Il a aussi travaillé en solo, d’ailleurs. Musicalement, il a une position particulière au sens où il y a plein de personnes qui, en écoutant Texier, sont venues au jazz. Il écrit des mélodies, jamais banales, qui ont une intention. Il a toujours l’intention d’atteindre l’auditeur. En ce qui concerne l’exécution, il écrit des mélodies simples. C’est comme cela qu’il faut les jouer. Si le musicien, comme moi, a l’habitude d’ornementer la mélodie, il le fait revenir à la note. La sobriété de la mélodie la fait ressortir, et c’est à l’auditeur d’interpréter ses propres ornements. Et puis, il y a un héritage du jazz dans sa musique : le swing, le jeu collectif. Il sait choisir les musiciens, il sait habiller une mélodie.

Ce qui l’intéresse surtout, et c’est là que je le rejoins, ce sont les prétextes. En musique, il faut une couleur. D’accord. Mais quelle est l’intention ? Avoir des idées est une chose. Avoir un but me semble plus important, plus profond. Lorsque je joue des mélodies turques, plutôt que des standards, je cherche à faire revivre, à maintenir en vie ces mélodies, mais c’est aussi pour moi le langage qui me permet de mieux remplir l’espace autour de moi.

- Et avec Michel Portal ?

Je vois dans cette rencontre plusieurs aspects différents. Il y a l’univers de Portal, très personnel, très signé. Il amène un thème, il laisse chercher, mais il sait parfaitement ce qu’il veut. Il y a le casting aussi ! Jouer quatre jours en studio avec Steve Swallow, Joey Baron ou Markus Stockhausen, je connais pire situation ! Pendant quelques temps j’ai été sur la liste des pianistes de Portal. Il change constamment de musiciens. Il choisit ceux qui lui paraissent adaptés au projet. Nous avions déjà joué ensemble, et pour la première fois, sur un disque de Texier, An Indian’s Week, puis nous avons partagé plusieurs scènes ensemble, avec Texier, Dédé Ceccarelli, François Moutin… Quant à ce disque, il me plaît beaucoup.

- Vous y jouez du piano en utilisant les ressources harmoniques et mécaniques de l’instrument. On vous entend de plus en plus jouer directement sur les cordes.

Plus on sent l’instrument, plus on en fait le tour, et on finit par l’englober totalement. Alors il est possible de développer d’autres utilisations techniques. Cela fait partie du langage. Ma façon d’en jouer est assez volcanique d’ailleurs, j’y trouve une puissance de jeu.

- Comment s’est fait le choix des musiciens de Koreni ?

Vojin Draskoci, le bassiste barbu joue « agricole » comme dit Julien… c’est un musicien avec lequel j’ai travaillé en duo, à Belgrade. Le répertoire était constitué de chansons folkloriques. Il était le premier bassiste soliste de l’orchestre symphonique de Belgrade. Il a été mon professeur, dans tous les styles : classique, jazz, folklorique. Son jeu est particulier, très harmonique. Il y avait un groupe d’un batteur macédonien Lala Kovacev, Balkan Impressions, et ils jouaient du jazz, de la musique gitane, bulgare, etc. Dès que j’ai eu l’occasion de faire Koreni 1, j’ai tout de suite pensé à lui. Vlatko Stefanovski, le guitariste est très connu là-bas. Il est aussi chanteur. Il fait plutôt du rock. Son groupe a été sur le devant de la scène fusion pendant vingt-cinq ans ! Il mêlait aussi des chansons macédoniennes. Moi, j’écoutais beaucoup ça. Ce que j’aime chez lui, c’est qu’il cache, derrière un jeu de guitare assez américain, rock, fusion, une maîtrise bien folle de la musique des Balkans. Avec ces deux gaillards-là, j’étais sûr de mon coup. Vlatko sait se placer d’une façon totalement opposée à celle de Kudsi Erguner, le flûtiste.

- Pourquoi Koreni s’est-il transformé en deux groupes musicaux différents ?

Lorsque nous avons fait Koreni, qui était le résultat d’une proposition de Jacques Pornon pour Banlieues Bleues, j’avoue que je ne savais pas du tout ce que cela donnerait. Nous avons à peine eu le temps de répéter. Les musiciens se connaissaient à peine… Après le premier concert de Koreni, j’ai écouté la cassette. J’ai trouvé de bonnes choses parmi d’autres moins bonnes. J’ai vaguement pensé à en faire quelque chose, comme un disque. Mais j’avais peur de faire tout le disque avec la même formation. Puis, lorsque Michel Orier m’a demandé quel était mon projet de disque suivant, je lui en ai parlé. Alors, je repensé le projet de façon à avoir plusieurs musiciens différents avec lesquels il était possible de combiner des duos, des trio, quartettes…

Je cherchait un bassiste capable de tenir le groove. Draskoci joue très bien, mais c’est sa propre musique, et il ne cherche pas à tenir le groove… Je cherchais un métissage musical qui pouvait aller de jazz le plus swing aux folies les plus pures, en passant par le folklore. J’ai bien réfléchi pour trouver un bassiste capable de jouer aussi bien jazz que folklorique. Et je n’en voyais qu’un seul : Predrag Revisin. Avec lui, j’avais monté mon premier groupe de jazz. Et puis, pendant dix ans, je ne l’ai pas vu. Il avait quitté Belgrade pour l’Autriche, puis Le Cap ! J’ai réussi à le contacter et à le faire venir de l’Afrique du Sud à Amiens ! Label Bleu a dit oui ! Même si j’étais sûr de moi, je ne l’avais pas entendu jouer depuis dix ans ! Mais il était parfait ! Nous avons fait la première séance avec Julien, Tony et Karim. Je voulais Karim parce que je pensais que cette musique lui appartenait aussi. Mais je voulais Rabeson comme batteur, avec sa bonne sonorité de bois. Alors, nous avons combiné la batterie de Tony et les percussions de Karim ! Aussi le lien entre les musiques s’est naturellement fait par le rythme. Ensuite, nous avons fait les autres séances avec le second bassiste et Kudsi, Vlatko.

- Ce disque est votre premier disque en tant que chef d’orchestre ?

C’est vrai qu’avec le quartette, nous pouvions échanger des idées sur la conception. Chacun de nous savait ce que deviendrait les disques. Là, avec Koreni, je me suis retrouvé seul à avoir une vision d’ensemble. J’avais le concept. Je faisais faire les prises, j’arrangeais les formations, etc. Et quand je sentais qu’une prise était bonne, j’arrêtais là. J’avais confiance en moi, et c’est pour ça que je le signe vraiment.

- Vous avez aussi dédoublé les cuivres, en prenant Julien Lourau et Vincent Mascart.

Oui, je travaille depuis quelque temps avec Vincent, et comme je trouve qu’il a un truc en pleine évolution, je lui ai proposé de se joindre à nous. Le problème a été de ne pas tomber dans le panneau de la comparaison entre les deux saxophonistes. Même si c’est inévitable… En jazz cela se fait en permanence. Mais j’ai pris le parti de lancer Vincent dans l’aventure, même s’il est moins présent sur le disque. Il faut dire aussi que tout ce que nous avons enregistré n’y est pas, notamment des prises en quartette avec Vincent Mascart. Je suis très content du résultat, il y a de l’avenir pour lui.

- Il nous est difficile de parler de ce projet sans évoquer ce qui se passe dans votre pays. Voulez-vous intervenir sur le sujet ?

Je suis très content d’être musicien en ce moment. Je n’aimerais pas être politicien, par exemple… Concernant Koreni, la réunion de ces musiciens est avant tout artistique. Ensuite, avec un peu de recul, on peut y voir un acte socio-politique : il y a un Bosniaque, un Turc, un Algérien, un Macédonien.. Un morceau sur le disque, « Sveti Boze », fait partie du répertoire saint des orthodoxes ukrainiens du XIIème siècle. Normalement, c’est une mélodie interdite aux instruments, réservée à la voix. Le bassiste en a fait un arrangement et l’a fait jouer par un Turc ! En plus, l’arrangement est barré ! Kudsi joue vraiment free ! Dans ce cas-là ? je pense au côté politique. Je n’en ai pas fait un concept général, mais je ne refuse pas l’idée.

Concernant les événements en Yougoslavie, je connais le climat politique depuis dix ans… je suis de Belgrade. Que faire alors ? Je crois que c’est plus utile pour moi, pour la famille, pour le pays que je tire les choses vers le haut, sans tomber dans le désarroi. En faisant la musique, on fait exactement le contraire de se qui se passe là-bas. Il n’y a pas de frontière en musique.

- On peut pousser le raisonnement plus loin, si on considère le mot « Koreni », qui signifie « racines »…

Oui, et également le symbole de l’olivier, sur la pochette. L’arbre est méditerranéen, il synthétise toutes les musiques du pourtour, ses racines sont très profondes car le sol est aride. La forme est tordue, le tronc est poussé par le vent, et comme la musique, ses racines sont à un endroit et les feuilles à un autre. De plus, il y a le symbole de la paix, le rameau d’olivier. L’image de l’olivier sauvage est claire, je pense !

- Que retenez-vous du Groove Gang ?

J’ai joué avec plaisir, mais pas d’une manière permanente. Je crois que si j’avais fait partie intégrante du groupe, j’aurai trop mis mon nez dans la musique ! Maintenant, il faut voir ce que la nouvelle formation va donner musicalement… on attend.

- Est-ce que vous êtes attiré par la voix comme instrument ?

La voix m’intéresse, mais plus comme une référence. Je sais quel genre de voix me plaît. Abbey Lincoln, Kurt Elling. Mais je n’imagine pas de musique avec la voix, pour l’instant. Je suis un peu sollicité par des chanteuses yougoslaves, mais je ne comprends pas toujours pourquoi elles pensent à moi musicalement. Pour l’instant je ne ressens pas le besoin d’utiliser la voix.

- Quelles sont les priorités aujourd’hui ?

Il y a Koreni. Mais ce n’est pas une formation qui peut tourner très régulièrement. Donc il y a le quartette, avec Olivier Sens qui est arrivé récemment. Après le disque Koreni, l’objectif que j’avais depuis plusieurs mois est passé. Maintenant, j’ai un horizon totalement ouvert, comme lorsqu’on sort d’un tunnel. Alors, pour ce quartette, nous tournons avec Vincent, Olivier, Tony ou parfois Laurent Robin (batterie). Rien n’est arrêté. Ces musiciens peuvent amener leur univers, je retrouve le côté workshop. Il y a aussi les solos. Le solo est une formule que je vais développer. C’est très formateur en tant que pianiste. Je me sens de plus en plus à l’aise avec. Il faut chercher à désigner l’espace autour de soi, avec pour seul outil, l’instrument. Plus on le fait, mieux on le fait. Et je commence à m’y plaire. Pour n’importe quel instrument c’est important de savoir remplir l’espace seul. J’y travaille pour des festivals. Il y a aussi le duo. Si on me propose un duo, je le fais avec Julien. Nous l’avons d’ailleurs déjà fait ! Une fois, nous avons répété dans le TGV et ainsi construit une heure et demi de musique !
Sinon, il y a un projet qui me tente. Il s’agit de musiciens américains issus du mouvement de la Knitting Factory qui jouent la musique des Balkans ! Un saxophoniste m’a appelé, un jour où il était en Europe. A New-York, ils écoutent mon disque ! Et ils jouent aussi bien le free new-yorkais que les musiques irlandaises, bulgares, serbes ! Ils jouent sur les instruments traditionnels. Ils font des mariages macédoniens aux U.S.A. ! Il y a aussi Brad Shepik, le guitariste qui joue avec Paul Motian. Nous sommes en contact, peut-être ferons-nous quelque chose…