Brandon Lopez est un musicien entier et intransigeant. Lorsque nous l’avions rencontré au printemps 2021, ses propos étaient aussi secs et tranchants que sa musique. Pas de langue de bois. Pas de détours. La musique représente quelque chose de vital pour lui, dont découle une relation très viscérale à sa contrebasse : « Comme beaucoup de musiciens, j’ai une relation d’amour/haine avec mon instrument. C’est un beau mariage mais, comme dans toute union, il y a des hauts et des bas. Généralement, je me réveille le matin et je pratique. C’est obsessionnel. Je veux jouer de la contrebasse jusqu’à ce que je ne puisse plus. »
C’est sans doute dans ses solos que transpire le plus la personnalité écorchée de Lopez. Depuis 2017 et Smoked Sunshine Vitriol Spits, il publie régulièrement en format numérique - sur son Bandcamp notamment - son travail dans ce format et a sorti plusieurs albums physiques sur différents labels américains (quoniam facta sum vilis en 2018 chez Astral Spirits, Santeria, en 2020 chez Catalytic Sound). Tel un chercheur, il consigne ainsi l’avancée de ses recherches techniques et sonores sur l’instrument. Car Brandon Lopez est fasciné par le son. Il repousse constamment les limites de son instrument, lui soutirant sans cesse de nouvelles sonorités.
Vilevilevilevilevilevilevile, son nouveau solo paru chez Tao Forms, ne déroge pas à cette règle. C’est une expérience d’écoute exigeante et physique que de se confronter à sa musique âpre, brutale, intranquille. Elle semble bouillonner dans les entrailles du contrebassiste, intense et profonde, avant de jaillir tel un geyser à la face du monde. Lopez distord la matière sonore, frotte, tire, pince, frappe les cordes autant que le corps de sa contrebasse, utilisant (seul ou simultanément) ses doigts, ses mains ou son archet dont il fait un usage souvent violent dans de grands allers-retours rageurs. On l’entend alors ahaner, souffler et marmonner, convoquant l’intégralité de son être dans un combat épique avec son instrument. Ça grince, ça couine et ça crisse. Le contrebassiste ne s’embarrasse de rien et surtout pas du qu’en-dira-t-on. Il ne cherche pas à séduire ou à enjoliver quoi que ce soit. Sa musique est vivante et entière. À son image. C’est là, c’est tout. Et c’est à prendre ou à laisser.