Chronique

Burka

Claustrofobia

Camila Nebbia (ts), Raian Valença João (b), Nicolás del Aguila (dms)

Label / Distribution : Cacophonous Revival Recordings

Une grosse guitare basse plantée dans le sol, des cymbales qui grognent à la manière de Rancid ou de Bad Religion, Burka est un groupe de punk. Sud-Américain. Et puis lorsque le décompte se fait avant l’emballement, en espagnol, à la punk, le cri ne vient pas d’une voix rauque et déterminée, mais d’un saxophone ténor, celui de Camila Nebbia. La saxophoniste, installée à Lyon depuis quelques mois et pour quelques jours encore, fait paraître, en cassette, presque naturellement, Claustrofobia en trio, avec des amis du sous-continent sud-américain. Le rapprochement entre le punk révolté et le Free Jazz n’est pas nouveau, et si les deux genres ont des barrières suffisamment flexibles et souples pour être enfoncées allègrement, il ne faut pas envisager Claustrofobia comme un défouloir ; certes, « El Fin de la Fantasía Virtual » est un déchaînement d’énergie, un retour au réel et à la (prise de) terre d’une musicienne que l’on sait depuis son disque en quartet concernée par la colère et les questions sociales…

Mais dès « Mitomanía », les forces en présence se diversifient, à défaut de se disperser. Raian Valença João, le bassiste électrique brésilien, tellurique, qui construit littéralement le propos de Burka laisse Nebbia offrir du champ au trio. Le propos, jusqu’alors très serré, porté uniquement sur la puissance, offre de jolies déviations. Il n’y a pas de paroles dans Claustrofobia, juste l’incarnation de la colère par l’aspect saillant, contondant des instruments qui se suffisent à eux-mêmes, mais la saxophoniste inscrit dans ce morceau une forme de discours, un relief nouveau qui inscrit Burka dans une proximité, par exemple, avec certains disques de Peter Brötzmann. Une direction qui se confirme dans « Pequeño Episodio » qui symbolise à lui seul la patte de Camila Nebbia avec ces voix nébuleuses, lointaines, multipliées, qui encadrent un propos sporadiquement plus mélodique.

On ne peut, on ne doit pas parler de power trio avec Burka. C’est paradoxal lorsqu’on entend le batteur Nicolás del Aguila se déchaîner sur les premiers morceaux de l’album très court, punk jusqu’au bout, mais à quelques détails qui évoluent au gré des chemins de traverse empruntés par le saxophone, le propos a une ampleur plus grande. Et ce dès « El Fin de la Fantasía Virtual » où, le temps d’un traitement électronique soudain, la musique se fait plus évanescente, à l’instar d’ailleurs de « Hiedra » qui lui fait suite et qui évoquera des couleurs déjà entendues chez Jim Black ou Ellery Eskelin. Camila Nebbia n’a pas fini de nous surprendre.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 avril 2022
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