

Nebbia, Salvo, Alarcón, Vogel
Pnkstraße 53
Camila Nebbia (ts), Sofia Salvo (bars), Lara Alarcón (voc), Alfred Vogel (d).
Label / Distribution : Boomslang Records
Alors qu’on les avait entendus il y a quelques mois dans un échange chaleureux et presque doux avec le pianiste Leo Genovese, voici que l’on retrouve le batteur Alfred Vogel et la saxophoniste Camila Nebbia dans un contexte presque plus attendu : celui du joyeux chaos et de la catastrophe féconde entouré de nombreux esprits frappeurs. « Not A Hairstyle » est à cette image : le ténor ronfle et se fait boutoir alors que la batterie mitraille dans la chambre d’écho de la voix de Lara Alarcón. L’échange est improvisé et volontairement décoiffé, voire absolument décoiffant, les deux coudes appuyés sur la ligne de basse du saxophone baryton de Sofia Salvo. Si la scène se passe forcément à Berlin, centre névralgique de ces musiques libres, le propos a un certain goût de Buenos Aires.
Comme Nebbia, en effet, c’est de Buenos Aires que nous vient Alarcón, qui habite totalement l’album paru naturellement chez Boomslang, le label de Vogel. On avait pu l’entendre dans l’album d’Evi Filippou, mais ici c’est elle qui donne toutes les directions ; dans l’affolement des boussoles que propose « BBB » [1], le moindre de ses phonèmes est l’occasion d’un débordement. La turbulence qui anime les deux soufflantes, qui jouent souvent frontalement, davantage dans la collusion que dans l’affrontement, permet d’augmenter la pression et de justifier l’urgence ; si on connaît la consistance du jeu de Camila Nebbia et son goût pour les sons scorieux et pleins de tensions qui évitent les déflagrations inutiles, on découvre davantage Sofia Salvo [2]. Elle aussi issue du creuset argentin, elle complète le jeu de sa compatriote, avec une propension au contact qui sied parfaitement à Alfred Vogel, qui s’amuse visiblement (« Blow Beat Scream », explosif).
Niché dans le centre de Berlin, non loin du tracé de l’ancien mur, le numéro 53 de la Pankstraße abrite le studio qui a enregistré ce quartet tapageur qui assume toute l’âme punk de la capitale allemande. À bien des aspects, il traduit idéalement la direction qu’aime prendre Camila Nebbia, dont le paradigme punk est documenté dans Burka, mais aussi celui d’Alfred Vogel, qui aime ce genre de climats et les largesses offertes à la voix, notamment aux côtés d’Almut Kühne. Il en résulte un espace de totale liberté, euphorique et créatif, qui réchauffe immédiatement et étourdit vaguement, comme un shot d’alcool fort.