Chronique

Chris Jennings

Drum’n Koto

Chris Jennings (b), Mieko Miyazaki (koto), Patrick Goraguer (dms, santour), Nguyên Lê (g), Kudsi Ergüner (ney)

Label / Distribution : Promise Land

En intitulant son album Drum’n Koto, le contrebassiste canadien Chris Jennings, qu’on a pu voir aux côtés de Dave Liebman ou de Dhafer Youssef, place de lui-même son instrument à la sonorité si ronde au cœur d’un trio complice. Son jeu sert de lien essentiel, structurel même, entre le percussionniste Patrick Goraguer et la célèbre joueuse de koto Mieko Miyazaki qui multiplie les rencontre depuis son arrivée en France il y a près de 10 ans. Célébrée lors de sa collaboration avec Nguyên Lê sur l’album Fragile Beauty en 2008, avec qui Jennings a également collaboré, elle retrouve le bouillant guitariste sur « Fifth Face » où un souffle de Jazz-rock vient attiser les braises d’une discussion libre entre les cultures et les grammaires, sans démonstrations.

Intégrer le koto dans le jazz n’est pas une idée neuve ; Steve Coleman, notamment, avait sollicité Miya Mazaoka pour son Mystic Rythm Society. Miyazaki elle-même a rendu hommage à Bill Evans (Koto2Evans) et enregistré avec Michel Benita (2011) Ethics, où elle affrontait de nombreux artefacts électroniques. Ici, c’est à une certaine pureté que le trio s’attelle. Le propos de la Japonaise, libéré de toute posture world music s’en trouve magnifié. Sur « Trieste Klok », la libre discussion entre cymbales et cordes se teinte d’une certaine douceur ; son instrument peut ainsi métamorphoser, se faire guitare ou s’engager sur une luxuriante Route de la Soie en compagnie du santour iranien de Goraguer. A ce titre, un morceau comme « Tehran », où vient se greffer la flûte ney de Kudsi Ergüner, permet à chacun d’improviser un périple imaginaire, mais jamais fantasmé.

Drum’n Koto comme d’autres diraient Drum’n Bass : c’est à une alliance naturelle et pleine d’énergie que nous convie Jennings. Sur le morceau inaugural, « Left Turn Signal », la synergie entre la puissance versatile de la batterie très inventive et le raffinement harmonique du koto est un puissant euphorisant pulsatile. C’est sur « Always Line 9 », où l’archet profond de Jennings vient souligner le cahot métronomique de Goraguer, que le trio et ses invités trouvent un remarquable point de fusion dans une musique urbaine, électrique, mais jamais totalement lisse. Une très belle rencontre entre virtuoses cosmopolites qui ont compris que le dialogue véritable est toujours enrichissant.