Scènes

Céline Bonacina au 106 (Rouen)

Céline Bonacina à Rouen


Quand il pleut à Rouen, c’est plus souvent de la pluie qui mouille que de la pluie de cristal. Mais si le Crystal Quartet de Céline Bonacina, qui présentait son nouvel album au 106 dans le cadre des concerts du Rouen Jazz Action, s’avère dépaysant, ce n’est pas pour cette seule raison. C’est plutôt grâce à la réunion de musiciens de plusieurs nationalités autour d’un propos tout à la fois espiègle, plein d’émotion et en constant mouvement.

La complicité du quartet est la première des impressions : la joie d’être là, ensemble. Le sourire ne quitte jamais le batteur Asaf Sirkis qui, sur un kit sur mesure fait de percussions de diverses cultures, s’offre quelques solos remarqués ; son jeu, moins dominateur que dans l’album, ponctue avec beaucoup de maîtrise les dialogues de ses compagnons. Son entente avec Chris Jennings, dont chacune des interventions est empreinte de poésie, est privilégiée mais le contrebassiste, qu’on retrouve dans le trio de Joachim Kühn, aime également à mesurer ses cordes au baryton de Céline Bonacina. Surtout, il y a l’axe fort qui unit la saxophoniste au pianiste gallois Gwilym Simcock, éblouissant dès les premières notes.

Céline Bonacina © Franpi Barriaux

La relation de ces deux-ci s’impose comme le fil rouge de Crystal Rain, dont bon nombre de morceaux, joués ici dans un ordre aléatoire, sont co-écrits. C’est le cas dans « Shanty », qui file la métaphore maritime, où il exploite le coffre de son piano. Dans l’excellent « Two Sides », son jeu est puissant sans être vindicatif, précis sans tomber dans une virtuosité convenue. Chaque phrase musicale est sondée, détaillée avec enthousiasme. La musique circule entre Bonacina et ce jeune Britannique qui était certainement la découverte de ce spectacle, tant il s’est montré disponible et impliqué.

Céline Bonacina, Gwilym Simcock © Franpi Barriaux

Quant à Céline Bonacina, elle était ce soir là égale à elle-même, transportant son baryton dans des légèretés inconnues sur le très beau « Child Mood » ou au contraire creusant les profondeurs du soprano sur « Smiles for Serious People ». Un art du contre-pied gonflé d’humour qui caractérise ce quartet équilibré et joyeux qui a plaisir à jouer ensemble, et de manière très égalitaire.