Chronique

Yakir Arbib

Three Colors

Yakir Arbib (p), Chris Jennings (b), Roberto Giaquinto (dm)

Label / Distribution : JMS

Passage à la formule trio réussi pour celui que l’Hexagone découvrit avec ravissement il y a une paire d’années en album solo. Il avait déjà une carrière décennale derrière lui, ondoyant entre classique et jazz, récoltant des prix entre Israël et Italie (il est d’ailleurs de nationalité italo-israélienne). Sa complicité avec le batteur Roberto Giaquinto irradie le présent disque. Loin d’être une pièce rapportée, le contrebassiste Chris Jennings contribue à la fusion atomique du trio.

Yakir Arbib déploie non sans malice son art pianistique virtuose, entre impressionnisme décalé façon Erik Satie et orientalisme nuancé, le jazz faisant office de pont entre ces deux univers. Si l’on sent son appétence pour l’improvisation, tant à partir de bases classiques (le délicieux « Yellow Sonata ») que jazz (ah cette citation de l’incunable « There Will Never Be Another You » en coda de « Moment’s Notice » de Coltrane), il a l’élégance de laisser des plages conséquentes à ses compagnons de jeu, en particulier au contrebassiste qui déroule des soli soyeux à souhait, quand ce n’est pas le batteur qui donne à son instrument des atours lyriques. Grooveries et mélodies se combinent avec sensualité, entre assemblages séquentiels improbables d’une infinie poésie et jeu sur les formes (la sonate notamment, « ancêtre » du standard de jazz).

Les références aux couleurs dans les compositions sont autant de rappels de la synesthésie du pianiste qui lui permet, bien que non-voyant, d’associer sons et couleurs avec un sens de la nuance des plus exquis. Soulignons l’excellence de la production, réalisée au désormais incontournable Studio de Meudon. Un évènement dans l’art du trio jazz, à n’en pas douter, qui devrait conquérir les publics lors de ses futures livraisons live.