Chronique

Mary LaRose

Out Here

Mary LaRose (voc), Jeff Lederer (cl, arr), Tomeka Reid (cello), Patricia Brennan (vib), Nick Duston (b), Matt Wilson (dms) + guests

Remarquée il y a quelques années pour son album Reincarnation, la chanteuse Mary LaRose revient à ses amours dolphyennes avec Out Here. Dans son album de 2013, elle reprenait entre autre une version très acrobatique de « Straight Up And Down » de Dolphy en y adjoignant des paroles en compagnie du Brooklyn Rider, quatuor à cordes qui soulignait l’influence de la musique contemporaine atonale et sérielle sur le travail de Dolphy. Out Here est un album tout aussi étrange, où l’on retrouve une équipe de choc. Outre le clarinettiste Jeff Lederer, fidèle parmi les fidèles qu’on entend avec Joe Fiedler ou bien chez nato, on retrouve la fine fleur de la Creative Music étasunienne, de la violoncelliste Tomeka Reid, omniprésente sur « Out There », à la vibraphoniste Patricia Brennan, dont le jeu serti d’effets évoque parfois le jeu de Mary Halvorson en plus cristallin.

On peut être dérouté par ce qu’on entend dans ce disque paru sur le label Little (i) Music, qui suit fidèlement la carrière de la vocaliste. On passe parfois, sans guère de transition, d’une interprétation tirée de Out to Lunch, comme le remarquable « Gazzelloni » où LaRose scatte les syllabes du titre comme pour lui donner des habits neufs ; à un rappel du tropisme latin de Dolphy avec « Music Matador ». Sur ce dernier morceau, centre assumé de l’album, la chanteuse invite le tromboniste Jimmy Bosch et le percussionniste Bobby Sanabria pour une romance sud-américaine bien encadrée par la doublette rythmique composé du batteur Matt Wilson et du contrebassiste Nick Dunston, dont l’entente avec Reid est souvent très riche. Ce qui impressionne surtout dans l’univers de Mary LaRose, c’est sa capacité à transporter, voire à transposer ces standards, le plus simplement du monde, dans une lecture très marquée par la musique écrite occidentale contemporaine. « GW », où elle joue à fleuret moucheté avec Brennan avant un très beau solo de Wilson, en est sans doute l’exemple le plus intéressant.

Il faut avouer que LaRose sait s’entourer. Le sextet de Out Here est à la fois très soudé et capable de toutes les déviations. Le matériel utilisé, connu et célébré, voire intouchable a priori lorsqu’on écoute « Out to Lunch », donne la mesure de la prise de risque. Patricia Brennan, impeccable, est pour beaucoup dans la réussite de cette mécanique aussi subtile qu’elle peut être fragile, avec une interprétation qu’elle habite de bout en bout. L’univers de Mary LaRose et de Lederer qui a travaillé les arrangements est aussi inédit qu’il peut sembler exotique. Il ne laissera nullement indifférent et chamboulera sans doute un peu. C’est le propre de ce genre d’exercice.

par Franpi Barriaux // Publié le 3 avril 2022
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